Mémoire |
Des ressources sur les enfants cachés
La thématique des "enfants cachés" traverse presque tous les domaines dans lesquels la FMS peut apporter son soutien (recherche, solidarité, mémoire, enseignement), d'où l'idée de cet article rassemblant de nombreuses ressources sur le sujet.
La thématique des "enfants cachés" traverse presque tous les domaines dans lesquels la FMS peut apporter son soutien (recherche, solidarité, mémoire, enseignement). Cet article a donc pour ambition de lister les ressources disponibles sur le sujet et sera complété au fur et à mesure du soutien accordé par la Fondation à des projets abordant cette thématique.
D'abord une définition : un "enfant caché" est un survivant de la Shoah. Il a souvent été séparé de ses parents et a vécu une vie clandestine pour échapper à l'extermination. Selon son âge, il a pu, ou pas, prendre conscience du danger qui le menaçait et de la nécessité de se cacher, ou plus exactement d'être caché, que ce soit dans des familles autres que la sienne ou dans des institutions, souvent religieuses, ou des maisons d'enfants gérées par des associations juives ou non.
On estime à 72000 le nombre d'enfants d’origine juive vivant en France en 1939 : environ 11400 ont été assassinés dans les camps et quelque 60000 ont survécu.
Avant 2000 et la création de la FMS
C’est à Serge Klarsfeld que l’on doit la publication dès 1978, du Mémorial de la déportation des Juifs de France et de la constitution de l’association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France qui regroupe en particulier les enfants cachés dont un ou les deux parents sont morts en déportation. Son travail aussi pour faire reconnaître l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et faire juger les responsables de la Shoah en France s’appuie sur cette spécificité de la Shoah : avoir déporté des enfants au motif qu’ils étaient juifs, avoir fait peser une menace de mort sur toute une génération d’enfants. Le Mémorial des enfants, dont de nouveaux appendices paraissent régulièrement, vise à rendre hommage à chacun des 11400 enfants déportés en publiant leur photo et des informations sur leur famille, et souvent la dernière adresse où ils ont vécu ou ont été cachés.
Dès les années 1970 et 80, des films racontant des histoires d’enfants cachés en France connaissent un grand succès : Le vieil homme et l’enfant de Claude Berri (1967), Un sac de billes de Joseph Joffo (1973), Au revoir les enfants de Louis Malle (1987). Côté documentaire, c'est le film belge d'Esther Hoffenberg, Comme si c'était hier qui, en 1980, donne pour la première fois la parole à des anciens enfants cachés. ? Écouter l'émission de radio Mémoires Vives avec Esther Hoffenberg à l'occasion de la réédition de son film en DVD.
Dans les années 1980, certains pionniers commencent à recueillir la parole des enfants cachés, au départ plutôt les enfants de déportés, comme Je ne lui ai pas dit au revoir de Claudine Vegh. Mais le mouvement prend une ampleur beaucoup plus forte dans les années 90, avec notamment l’initiative de Steven Spielberg de recueillir et de filmer l’ensemble de la génération qui a vécu la Shoah. Les enfants cachés de France prennent alors conscience de ce qu’ils sont des survivants à part entière et s’investissent dans cette collecte, avec une large prise de parole.
Partout dans le monde, les anciens enfants cachés se rencontrent et se regroupent en associations : The Hidden Child aux Etats-Unis, l'Association des enfants cachés en France (1992), Amicale des anciens de l'OSE et Aloumim, l'association israélienne des enfants cachés en France pendant la Shoah (1994).
Parmi les livres sur le sujet, Les enfants cachés du journaliste Raphaël Delpard, paraît en 1993 : il rassemble des témoignages de ces enfants devenus adultes qui racontent la détresse de l'abandon, de la solitude et de la peur, et comment cette enfance volée a conditionné leur vie, les réduisant longtemps au silence.
En 2002, l'appel à témoignages Paroles d'étoiles lancé par Radio France pour recueillir les récits des "personnes ayant vécu leur enfance cachée entre 1939 et 1945", rencontre un grand succès et un écho inattendu dans les médias et l'opinion publique. Les 800 témoignages sont rassemblés dans un recueil et donnent ensuite lieu à de multiples manifestations : exposition, pièces de théâtre, créations sonores, conférences… À ce jour, l'édition de poche s'est vendue à 100 000 exemplaires.
Lorsque la FMS et l’INA lancent à nouveau une collecte de témoignages en 2005, la parole des enfants cachés est un volet en soi de l’expérience de la Shoah : beaucoup de témoignages s’y rapportent, et certains ont pu être exploités plus récemment dans des films (comme La passeuse des Aubrais, dont le point de départ était le témoignage de Bernard Prazan).
Du côté de la mémoire
Si de nombreux enfants juifs ont pu être sauvés, c'est grâce à l'action conjuguée de plusieurs acteurs (Résistance juive, Eclaireurs israélites de France, réseaux catholiques etc.) dont certains seront reconnus plus tard "Justes parmi les Nations", un titre décerné par l'Etat d'Israël à travers l'Institut Yad Vashem. La Fondation apporte un soutien pérenne au Comité français pour Yad Vashem qui entretient la mémoire des Justes en France et organise les cérémonies de reconnaissance. En 2003, la Fondation a participé à un ensemble d'études sur la petite ville de Moissac où furent cachés de nombreux enfants, dont Catherine Lewertowski a ensuite tiré son livre Morts ou Juifs. La maison de Moissac, réédité en 2009.
Depuis sa création, la Fondation accorde aussi une attention particulière à la sauvegarde des lieux par où sont passés les enfants - qu'ils aient été internés, cachés, déportés, assassinés ou rescapés - avant ou après la guerre, et contribue à la préservation de cette mémoire.
Elle soutient le musée-mémorial de la Maison d'Izieu (? Écouter les émissions Mémoires Vives sur la Maison d'Izieu) et le lieu de mémoire du Chambon-sur-Lignon. Elle a aussi participé à la création du CERCIL - Musée mémorial des enfants du Vél d'hiv d'Orléans, inauguré en 2011, avant son intégration dans le Mémorial de la Shoah en 2018. Une salle y est consacrée aux 4700 enfants internés dans les camps de Beaune-la-Rolande et Pithiviers, dont une infime minorité a survécu. ? Écouter l'émission Mémoires Vives sur la création du CERCIL.
A Paris, le jardin mémorial des enfants du Vel d'hiv a été inauguré en 2017 dans le 15e arrondissement : il comporte un mur avec les noms des 4115 enfants arrêtés les 16 et 17 juillet 1942, seuls ou avec leurs parents.
La Fondation participe à la pose de plaques commémoratives, notamment pour rappeler le rôle de certains lieux dans le sauvetage et la reconstruction de ces enfants survivants, comme en 2017 à la Maison Vladeck de Brunoy, en 2019 au Mesnil-le-Roi et aux Andélys pour rappeler l'existence du Château rose.
Du côté de la recherche
Dans le domaine de la recherche sur la Shoah, l'intérêt porté aux enfants cachés s'insère dans l'étude plus globale de la manière dont les enfants, en général, ont vécu et traversé la guerre et comment ils ont été pris en compte, considérés mais aussi maltraités.
Dès les années 2000, la Fondation a accordé plusieurs bourses de recherche pour des sujets autour des enfants cachés : à Catherine Poujol, auteur de Les enfants cachés. L'affaire Finaly ; à Dominique Frischer, auteur de Les enfants du silence et de la reconstruction. La Shoah en partage (2008) ; à Yoram Mouchenik, qui publie ensuite plusieurs articles sur les traumas et le travail de deuil chez les enfants juifs cachés en France ; et à Marion Feldman, pour son travail sur la spécificité du traumatisme des enfants juifs cachés et de sa transmission à leur descendance. Cette dernière intervient aujourd'hui régulièrement au sein de l'OSE (voir plus bas "Prise en charge matérielle et psychologique des anciens enfants cachés".
Parmi les ouvrages généraux sur l'enfant dans la Shoah, signalons deux titres importants :
L'enfant et le génocide (dir. Catherine Coquio et Aurélia Kalisky) rassemble des textes rédigés par les enfants eux-mêmes sur leur perception de la guerre et de la Shoah en train de se dérouler, et des chapitres entiers sont consacrés à la parole de ceux qui durent se cacher. Outre le regard à hauteur d'enfant qu'il propose, le volume embrasse une large période et couvre tout l'espace géographique européen concerné par la persécution contre les Juifs.
L'Enfant-Shoah (sous la direction d'Ivan Jablonka) propose une approche globale de l'enfant qui a vécu la Shoah et pour qui le traumatisme a duré bien au-delà de 1945. Au croisement de l'histoire, de la psychologie, de la sociologie, de l'anthropologie notamment, de nombreuses contributions permettent de mesurer l'impact de la Shoah sur les enfants, de 1945 jusqu'à nos jours.
Dans l'étude sur les enfants cachés, il faut souligner le rôle essentiel de l'historienne Katy Hazan qui a beaucoup étudié leur sort, notamment au sein de l'OSE, l'Oeuvre de Secours aux Enfants. Elle est l'auteur ou la contributrice de nombreux ouvrages, sur des maisons d'enfants de l'OSE et des sauveteurs ayant vécu de l'intérieur cette histoire tragique du sauvetage. Dans Enfants cachés, enfants retrouvés (article en accès libre paru dans les Cahiers de la Shoah en janvier 2007), elle propose une vue d'ensemble sur le sujet. ? Écouter quelques émissions Mémoires Vives sur l'OSE.
La grande variété des situations vécues par les enfants pendant la guerre, le fait qu'ils aient une mémoire des faits et un rapport à leurs souvenirs différents des adultes ayant vécu la même période, suscitent l'intérêt des historiens de manière assez récente. L'ouverture de nouvelles archives permet une approche renouvelée de ces thématiques, comme lors du colloque Enfants et adolescents "sans famille" dans les guerres du XXe siècle qui s'est tenu en novembre 2019 aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine et abordait notamment les parcours singuliers de plusieurs enfants cachés pendant la Seconde Guerre mondiale.
De la diversité des parcours
LIVRES
La collection Témoignages de la Shoah publiée conjointement par la FMS et les éditions Le Manuscrit propose une grande variété de récits sur les parcours d'enfants cachés, en France, comme dans d'autres pays sous occupation nazie.
? Consulter la liste des témoignages d'enfants cachés de la collection Témoignages de la Shoah.
Parmi les témoins, certains n'ont jamais oublié leur passé et ont pu le raconter en puisant dans leurs souvenirs, telle Haya Armon Spielmann, quand d'autres ont découvert leur histoire tardivement et se sont appuyés notamment sur des archives officielles pour recomposer le puzzle de leur enfance, comme Charles Waserscztajn, sauvé d'Auschwitz par l'Assistance publique. ? Écouter l'émission Mémoires Vives avec Charles Waserscztajn. Autre témoignage émouvant d'une toute petite fille trimballée de familles en maisons d'enfants, celui de Jeta Sztybel.
Quelques titres parus récemment en bande-dessinée permettent une approche originale de l'expérience vécue par les enfants cachés : dans Deux hivers un été, on s'attache au parcours de Wally, 16 ans, au destin à la fois singulier et représentatif de tant d'autres enfants juifs qui durent vivre dans la clandestinité pendant la guerre.
Du côté des sauveteurs, les récits ne manquent pas, notamment de la part de membres de la Résistance juive, mobilisés au péril de leur vie pour sauver des centaines d'enfants juifs : Journal d'un résistant juif dans le Sud-Ouest de Roger Fichtenberg ; Le sauvetage des enfants juifs par l'OSE de Georges Garel ; Aux frontières de l'espoir de Georges Loinger et Mes vingt ans à l'OSE de Jenny Masour-Ratner.
FILMS
Le cinéma de fiction comme le documentaire se sont depuis de nombreuses années emparé de ce thème des enfants cachés, par des approches multiples : récit de parcours singuliers, en France ou à l'étranger, portraits croisés, monographie de maison d'enfants...
Parler des enfants cachés aux enfants d'aujourd'hui
Aborder la Shoah par le thème des enfants cachés est une approche fréquente des supports destinés aux enfants - notamment aux élèves de CM2 dont le programme d'histoire aborde la Seconde Guerre mondiale et la Shoah - car elle met l'accent sur une dimension positive du drame : des enfants ont pu être sauvés de l'extermination, notamment grâce à l'action des Justes.
L'association Yad Layeled - L'enfant et la Shoah s'en est fait une spécialité depuis une vingtaine d'année. Elle propose notamment des supports destinés à accompagner les professeurs dans l'enseignement de cette période de la guerre : les ateliers-expositions Enfants juifs à Paris 1939-1945 et Sur les traces d'une photo (? Émission Mémoires vives) ou le kit pédagogique Une histoire sans paroles.
Plusieurs parutions s'adressent aussi directement aux enfants, adaptant l'histoire et le discours à leur capacité de compréhension : L'ourson de Fred d'Iris Argaman ou Quelque part le soleil brille encore de Michael Gruenbaum.
Récemment, le documentaire Les Gamins de Ménilmontant faisait se rencontrer les derniers survivants des rafles de Juifs sous l'Occupation et des enfants d'aujourd'hui qui fréquentent aujourd'hui l'école qui était la leur, dans un quartier populaire de Paris. À trois générations de distance, c'est la mémoire de la Shoah qui se transmet ainsi de manière vivante entre les enfants d'hier et ceux d'aujourd'hui.
Le thème des enfants cachés peut aussi fait l'objet des travaux interdisciplinaires menés au collège ou au lycée. En 2015-2016, la Fondation a soutenu l'ambitieux travail de mémoire sur les enfants cachés de Landivy en Mayenne, mené par les élèves de Troisième du collège Louis Launay, qui, avec leurs professeurs, ont conçu un court-métrage de marionnettes, une exposition numérique et une sculpture en hommage aux enfants cachés et aux Justes de la région.
Prise en charge matérielle et psychologique des anciens enfants cachés
L'émergence de la parole des enfants cachés va logiquement de pair avec l'expression d'un besoin de prise en charge matérielle et psychologique. Les enfants qui furent cachés pendant la guerre partagent en effet avec les rescapés des camps certains stigmates, comme la culpabilité du survivant, auxquels s'ajoutent des traumatismes propres à leur condition d'enfant pendant la guerre, n'ayant souvent eu, à l'époque, ni les mots pour dire ce qu'ils éprouvaient, ni les explications pour comprendre ce qui leur arrivait.
La Fondation soutient des programmes portés par différentes structures, qui proposent une aide tant matérielle que psychologique à ces personnes dont le traumatisme de l'enfance a souvent été pris en charge tardivement dans leur vie.
Les enfants cachés sont reconnus comme survivants de la Shoah, au même titre que les anciens déportés, par la Claims Conference qui a créé un Fonds qui leur est dédié, en 2015.
Parmi les pionniers en matière d'étude de l'impact de cette vie cachée sur le psychisme de ces enfants devenus adultes, il faut citer Boris Cyrulnik, lui-même enfant caché, qui raconte son expérience pour la première fois en 2012 dans Sauve-toi, la vie t'appelle, et écrit, contribue ou préface d'autres livres sur le sujet. Il y a aussi Nathalie Zajde, maître de conférences en psychologie à l’université Paris-VIII. Elle a créé en France les premiers dispositifs de prise en charge psychologique des enfants cachés et descendants de survivants de la Shoah. Auteur d'un blog sur les enfants cachés, elle anime une fois par mois un Groupe de paroles d'anciens enfants cachés. En 2012, elle publie Les enfants cachés en France. La même année, elle organise une rencontre pluridisciplinaire pour mieux comprendre ce que fut la vie de ces enfants. Les contributions sont rassemblés dans l'ouvrage Qui sont les enfants cachés ? Penser avec les grands témoins. ? |Écouter les émissions de radio Mémoires Vives avec Nathalie Zajde.
75 ans après la fin de la guerre, les anciens enfants cachés entrent désormais dans le grand âge, synonyme de besoins particuliers. En Israël, la Fondation soutient l'association |Aloumim |qui fournit notamment une |aide médico-sociale aux enfants qui furent cachés en France. En |France, |des aides et accompagnements spécifiques leur sont réservés, notamment pour leur permettre de bénéficier d'un suivi psychologique adapté, dans des structures spécialisées, comme le |centre George Devereux |ou le |centre Georges Levy |ou encore |à domicile. Ce soutien peut aussi prendre la forme de projets ponctuels les concernant, comme des voyages |en Israël |ou sur les lieux de l'extermination de leur famille, |à Auschwitz. |
D'une manière générale, la Fondation accorde de l'importance à favoriser à la fois le bien-être de personnes qui en ont tellement manqué dans l'enfance, mais aussi le lien social. |
Dans cette mission, l'un de ces partenaires historiques est l'OSE, l'Oeuvre de Secours aux Enfants, association qui était déjà pleinement engagée pendant la guerre pour aider les enfants juifs, les soustraire aux déportations et organiser leur mise à l'abri. |Rien d'étonnant donc à ce que cette association joue encore un rôle essentiel auprès de ces enfants désormais entrés dans la vieillesse |: elle le fait à travers son |Amicale |mais aussi un programme comme |Ecoute, Mémoire et Histoire |ou dans des |centres de jour, à Paris et Strasbourg |notamment.
? |Mémoires Vives |
De nombreuses émissions ont été consacrées au thème des enfants cachés.
Elles sont à (ré)écouter sur le site Mémoires Vives. |
|