Notre histoire
La Fondation pour la Mémoire de la Shoah voit le jour en 2000, par décret du gouvernement français, dans un contexte marqué par la prise de conscience de la responsabilité de l’Etat français dans le génocide des Juifs.
Elle a été conçue pour transmettre et diffuser les connaissances relatives aux persécutions antisémites et aux atteintes aux droits de l’homme commises durant la Seconde Guerre mondiale. Dès sa création, ses missions ont inclus la solidarité envers les survivants de la Shoah, la préservation de la culture juive que les Nazis ont tenté d’anéantir, et la diffusion des connaissances relatives aux autres génocides. Depuis 2015, elle soutient également des projets de lutte contre l’antisémitisme et favorisant le dialogue interculturel.
Fondation privée reconnue d’utilité publique, née d’un rare consensus politique, elle est porteuse d’une mémoire apaisée : celle de la Shoah mais aussi celle des autres génocides, loin de toute concurrence mémorielle.
Serge et Beate Klarsfeld dans les années 1970 - Photo Charles Tremil
1945-1995 : la construction d’une mémoire de la Shoah
Pendant les années qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale, la spécificité du sort des Juifs n’est pas prise en compte. La parole des rescapés de la Shoah existe mais est peu écoutée, la mémoire de la déportation étant alors dominée par celle des résistants et des déportés politiques : il s’agit alors de permettre la réconciliation nationale en glorifiant les héros, et en faisant de Vichy une simple parenthèse de l’histoire française.
À partir des années 1970, le sort spécifique réservé aux Juifs est progressivement reconnu en tant que tel par le grand public, grâce au travail conjugué des témoins, des historiens, et des associations de mémoire.
En 1978, l’avocat Serge Klarsfeld publie "Le Mémorial de la déportation des Juifs de France", rédigé à partir de la liste des déportés, classés par convois.
Les années 1970-1980 sont marquées par un renouveau de l’historiographie portant sur le régime de Vichy et la collaboration, et sur l’implication de l’État français dans le sort des Juifs.
En 1985, la sortie du film "Shoah" de Claude Lanzmann, composé uniquement de témoignages, a un retentissement exceptionnel. Son titre désigne désormais, pour le grand public, le génocide des Juifs.
En parallèle, les grands procès, contre Klaus Barbie (1983-1987), Paul Touvier (1992) et Maurice Papon (1997-1998) notamment, permettent aux témoins de raconter devant un tribunal les crimes dont ont été victimes les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Ils attisent encore les polémiques concernant la responsabilité de l’État français dans la persécution des Juifs.
Les panneaux expliquant la Rafle du Vél d'Hiv dans la station de métro toute proche - Photo FMS
1995 : la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la Shoah
Le 16 juillet 1995, lors des commémorations de la rafle du Vélodrome d’Hiver, Jacques Chirac, tout juste élu président de la République, reconnaît publiquement la responsabilité de l’État français dans la Shoah :
Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'État français. (…) Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé et les fautes commises par l’État. Ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’homme, de sa liberté et de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, toujours à l’œuvre.
50 ans après la fin de la guerre, le discours du Vél’ d’Hiv’ marque un tournant politique majeur. Cette déclaration solennelle ouvre la voie à d’autres gestes symboliques. L’action des pouvoirs publics se renforce pour voir reconnaître des aspects jusque-là absents de la mémoire nationale, qu’il s’agisse du rôle du régime de Vichy dans la persécution des Juifs ou de l’action de sauvetage des Justes de France.
Jean Mattéoli et Ady Steg, vice-président de la commission, tenant le rapport Mattéoli - Extrait du film d'Isabelle Wekstein sur Ady Steg
1997-2000 : la création de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
C’est dans ce contexte qu’en mars 1997, le Premier ministre Alain Juppé confie à Jean Mattéoli, ancien résistant et président du Conseil Économique et Social, la direction d’une Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France de 1940 à 1944.
Composée d’historiens et de personnalités qualifiées, la Commission Mattéoli est chargée d'étudier l’ampleur et l'étendue de cette spoliation, et des mesures de restitution adoptées après-guerre. Elle doit également formuler des propositions sur le devenir des biens non restitués.
Le 17 avril 2000, Jean Mattéoli présente au Premier ministre Lionel Jospin les conclusions de ces travaux. Le rapport général de la mission Mattéoli démontre que si la restitution effectuée après la Seconde Guerre mondiale a été importante, elle est restée incomplète. Et insiste sur l’importance du travail de mémoire, concluant :
Les aspects matériels de la spoliation des Juifs de France et de la restitution sont certes capitaux, mais ils n’en constituent pas l’essentiel. Avant d’être une affaire d’argent, la spoliation a été une persécution dont le terme était l’extermination. Aucune histoire ne traduira ce que des hommes et des femmes ont vécu quotidiennement, avec son poids d’angoisse, d’humiliation et de misère. Certes, c’est le lot de toutes les guerres et d’autres ont également souffert. Mais ce n’était pas en application de lois et de règlements discriminatoires qui les retranchaient de la communauté nationale du seul fait de leur naissance. Il y a là une exception sans précédent dont il nous appartient de faire qu’elle ne se renouvelle jamais.
Les recommandations de la mission Mattéoli aboutissent à la création d’une Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliation (CIVS), chargée d’examiner les demandes individuelles d’indemnisation, et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Les fonds en déshérence de toutes natures résultant de la spoliation seront versés à cette dernière par les institutions publiques et privées concernées. La dotation initiale de la Fondation s'élève ainsi à 393 millions d'euros.
Le décret du 28 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation - extrait du JO
Depuis 2000 : une mission d'histoire, de mémoire, d'éducation et de solidarité
La Fondation pour la Mémoire de la Shoah est officiellement créée par décret du gouvernement français le 26 décembre 2000.
Sa naissance marque une étape majeure dans la consolidation de la mémoire de la Shoah en France. Présidée par Simone Veil de 2001 à 2007 puis, de 2007 à 2023, par David de Rothschild, et enfin depuis juillet 2023 par Pierre-François Veil, elle est administrée par des représentants des pouvoirs publics, de grandes institutions juives et par des personnalités qualifiées.
Fondation privée reconnue d’utilité publique, elle doit contribuer au développement et à la diffusion des connaissances sur les persécutions antisémites et sur les victimes de ces persécutions, et sur les conditions qui ont permis en France à la grande majorité des Juifs d'échapper à la déportation.
Elle a également une importante mission de solidarité, en soutenant, notamment, les initiatives permettant d’apporter un appui moral, technique ou financier à ceux qui ont souffert de ces persécutions.
Les recommandations de la mission Mattéoli insistent également sur la préservation et la transmission de la culture juive, dont des pans entiers furent anéantis durant la Shoah.
La réflexion sur les mécanismes et les ressorts de la haine étant jugée primordiale, l'objet de la Fondation est rapidement étendu à la recherche sur les autres génocides ou crimes contre l'humanité.
Fin 2014 est créée une nouvelle commission chargée spécifiquement de la lutte contre l’antisémitisme et de la promotion du dialogue interculturel.
Depuis sa création, la Fondation a financé plus de 5 500 projets pour un montant total de quelque 390 M€.