Mémoire | Film
La mémoire pour sépulture - Maud Guillaumin et Charlotte Jarrix
Benjamin Orenstein, né en Pologne en 1926, est rescapé de six camps de travail, de concentration et d’extermination nazis et des marches de la mort, et est le seul survivant de sa famille. C'est le procès Barbie en 1987, dans la ville où il s'est installé en 1951, qui le décide à témoigner de son expérience de la persécution des Juifs de Pologne. Il s'est éteint à Lyon en février 2021.
Ce documentaire permet de mieux connaître un rescapé de la Shoah, déporté depuis la Pologne son pays natal, moins connu que certains, et de découvrir une personnalité digne, s'exprimant dans un français précis, presque châtié - alors qu'il a appris cette langue à 20 ans passé - avec un fort accent yiddish, faisant preuve, lorsqu'il se retourne sur son histoire à 90 ans passés, d'une hauteur de vue marquante.
Benjamin Orenstein a été l’un des grands acteurs de la transmission de la mémoire d’Auschwitz dans sa région d’adoption, la région lyonnaise. Il a beaucoup témoigné dans les écoles et, malgré son aversion intacte pour la Pologne dont il raconte les persécutions antisémites avant la Shoah, a accompagné de nombreuses classes à Auschwitz durant les dernières années de sa vie. C'est à cette occasion qu'il a rencontré la metteuse en scène Charlotte Jarrix qui l'a filmé et enregistré pendant 5h alors qu'il était âgé de 94 ans et lui a consacré en 2015 une pièce de théâtre "Ces mots pour sépulture" (c'est aussi le titre de son témoignage publié en 2007). Ce documentaire réalisé par Charlotte Jarrix et Maud Guillaumin s'appuie sur des séquences filmées de la pièce, ainsi que sur de larges extraits de l'interview.
Les historiens Audrey Kichelewski et Jean-Marc Dreyfus interviennent dans le film pour expliquer en quoi le parcours de Benjamin Orenstein est emblématique de celui des Juifs de Pologne durant cette période.
Benjamin, né en 1926 au sein d'une famille unie, pauvre et pratiquante, dans un shtetl près de Lublin, est le dernier d'une fratrie de cinq enfants : il a trois frères ainés et une sœur, Hinda un peu plus âgé que lui. Dès 1941, alors qu'il n'a que 15 ans, il est contraint de travailler très durement avec ses trois frères dans des camps de travail nazis. Ses parents et sa sœur sont déportés et assassinés en 1942. Benjamin est séparé de ses frères qui seront fusillés. Il survit au total à six camps de travail et d'extermination, dont celui d'Auschwitz-Birkenau et aux marches de la mort. Il sera finalement libéré le 11 avril 1945 par les Américains au camp de Dora. Il ne pèse plus que 32 kg, n'a pas grandi depuis ses 14 ans. Après avoir repris des forces en Italie ,et en Suisse, il part en 1947 pour la Palestine, s'engage en 1948 dans Tsahal. Démobilisé en 1950, il répond en 1951 à l'invitation d'un cousin installé en France, à Lyon et quitte Israël où il ne retournera pas. D'abord clandestin, il s'intègre progressivement en France, épouse Mireille Rubinovich, fille de déporté, et ils ont deux enfants, Linda et Norbert. "Une sorte de revanche sur Hitler" dit-il, avec autant de fierté que d'émotion dans son entretien.
Mais il ne raconte rien de la Shoah à ses enfants. À sa fille, Linda, interviewée dans le documentaire, qui l'a interrogé lorsqu'elle avait 13 ans, il répond : "Comment parler de la Shoah ? est-ce qu'on parle d'une odeur ?"
Pourtant, en mai 1987, lorsque s'ouvre le procès Barbie dans sa ville d'adoption, cette souffrance psychique dont il n'a jamais pu se défaire est telle à l'écoute des propos négationnistes de la défense qu'il décide de témoigner. Ce qu'il fait dans des établissements scolaires jusqu'au siège de l'ONU à Genève en 2019.
Benjamin Orenstein avec la seule photo de famille qui lui reste, celle de sa sœur Hinda que cette dernière avait envoyée au cousin installé à Lyon avant-guerre.
Ce film de 52', produit par Adamis production, a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Diffusion
Jeudi 23 janvier 2025, 22h50 sur France 3 Auvergne-Rhône Alpes
La famille Orenstein à Lyon dans les années 1960.