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Lire la Shoah par balles, J.S. Foer, N.Krauss, D. Mendelsohn - Laurence Benarroche
Laurence Benarroche se concentre sur trois écrivains juifs américains de la troisième génération qui, habités par la mémoire des persécutions nazies subies par leurs familles respectives, ont construit des œuvres très personnelles pour faire le deuil de la perte et nous faire hériter de ce passé, plus que pour nous instruire d’une réalité proprement historique.
Laurence Benarroche se concentre sur trois écrivains juifs américains de la troisième génération, Daniel Mendelsohn, Nicole Krauss et Jonathan Safran Foer, qui, habités par la mémoire des persécutions nazies subies par leurs familles respectives dans ce qu'on a appelé "la Shoah par balles", ont construit des œuvres très personnelles pour faire le deuil de la perte et nous faire hériter de ce passé, plus que pour nous instruire d’une réalité proprement historique.
En démontrant comment les descriptions précises d’un destin individuel peuvent tendre à l’universel, Laurence Benarroche nous fait prendre conscience que ce mode de transmission qu’est la fiction littéraire - une fiction amplement nourrie de témoignages et de consultations d’archives - peut rendre aux yeux du lecteur les faits parfois plus marquants que des informations quantitatives et ressusciter, en gommant l’anonymat des exécutions de masse, un passé concret, qui, au fur et à mesure qu’on le découvre par la lecture, devient presque palpable. Ainsi le lecteur – dont elle souligne le rôle prépondérant - devient-il à son tour un témoin chargé d’en transmettre la mémoire collective.
L'auteure étudie avec minutie la façon qu’ont eue ces trois auteurs de nous transmettre par bribes et de manière volontairement décousue des moments extrêmement douloureux de "la Shoah par balles", notamment en Ukraine et en Pologne. Elle explique par quels procédés d’écriture et de structure de récit (parfois gigogne) ceux-ci nous prennent à témoins, nous lecteurs, au travers de coupures et de silences pour nous transmettre ce passé si lourd à porter dont ils ont douloureusement hérité et pour lequel ils sont en quête d’informations. Laurence Benarroche analyse les raisons qui les ont conduits à l’écriture de tels récits ; elle les place en miroir pour établir entre eux des points communs : injonction à ne pas oublier, transmission de la mémoire, lecture basée sur le questionnement, à l’image de la tradition juive. Autrement dit, comment s’emparer d’un héritage en l’interrogeant.
Les Disparus, de Daniel Mendelsohn (Flammarion, 2006), par sa maîtrise magistrale dans la démonstration et l’utilisation des midrashim, a connu un rayonnement international depuis sa parution en 2006. Il est mis parallèle avec d'autres œuvres de fiction de Nicole Krauss - L'Histoire de l'amour (Gallimard, 2006) et La grande maison (éditions de l'Olivier, 2011) - et Jonathan Safran Foer - Tout est illuminé (Seuil, 2004) - qui ont toutes les raisons de lui être comparées même si, aucune n’en a la puissance. C’est peut-être ce qui fait l’originalité et la richesse de cette étude de littérature comparée.
Laurence Benarroche est universitaire, enseignante à l’université d’Aix-Marseille et titulaire d’un doctorat en littérature des États-Unis sur l’écriture contemporaine de la Shoah. Dans ses recherches, elle s’intéresse à l’écriture de soi, à l’écriture du trauma – et particulièrement de l’après-coup de la Shoah – et à la judéité ainsi qu’à sa transmission.
Ce livre, issu de la thèse de l'auteure, est publié aux éditions des Presses Universitaires de Provence et a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
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