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Les discours antisémites et conspirationnistes dans les procès du terrorisme
Spécialiste reconnue de l’histoire de la justice sous Vichy, Virginie Sansico mène une étude ethnographique et une mise en perspective historique des discours antisémites et conspirationnistes dans les deux procès des attentats terroristes de 2015.
Spécialiste reconnue de l’histoire de la justice sous Vichy, Virginie Sansico a beaucoup travaillé sur la notion de terrorisme. Elle mène aujourd'hui une étude ethnographique et une mise en perspective historique des discours antisémites et conspirationnistes dans les deux procès des attentats terroristes de 2015 (le procès des attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l'Hyper Casher qui s'est tenu en 2020 et le procès des attaques du 13 novembre 2015 qui se tient depuis septembre 2021). Virginie Sansico bénéficie d'une bourse de recherche post-doctorale de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
La vérité judiciaire face aux théories complotistes
Omniprésentes depuis les années 2000 et notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001, les théories complotistes et antisémites qui font irruption dans le débat public dès qu’un attentat se produit ont pour objectif de mettre en doute des prétendues "vérités officielles" qui seraient élaborées afin de servir des intérêts cachés à la population.
La justice, censée justement acter, par ses décisions, une "vérité", intervient donc dans ces dossiers dans un climat spécifique et porteur d’enjeux qui dépassent le cadre judiciaire, ce qui n’a jamais fait l’objet d’une étude particulière. Les procès récents ou en cours offrent ainsi un terrain d’enquête particulièrement opportun.
Le Palais de Justice de Paris où se tient le procès des attentats du 13 novembre 2015. Photo : Ministère de la Justice
Une démarche à la fois ethnographique et historique
Virginie Sansico suit les audiences en appliquant les méthodes de l’ethnographie judiciaire tout en étudiant leurs répercussions dans le débat public. Elle met en perspective ces résultats en réinscrivant ces procès dans l’histoire longue de la justice face au terrorisme, souvent confrontée à des théories dépassant le strict cadre de la "vérité judiciaire".
Accréditée par le parquet national antiterroriste, Virginie Sansico a assisté au procès des attentats de janvier de 2015, qui s’est déroulé du 2 septembre au 16 décembre 2020. Son enquête l'a conduite à élargir sa problématique initiale vers des enjeux historiques et mémoriels qui ont pris une place conséquente lors des audiences. Ce travail de terrain a donné lieu à la constitution d’un corpus conséquent de verbatims des audiences, de notes d’observations (acteurs présents, réactions, public, incidents, etc.), de dossiers de veille médiatique et d’entretiens avec des acteurs du procès (magistrats, avocats, associations, victimes, témoins).
Sur le plan historique de sa recherche, Virginie Sansico s’est principalement consacrée ces derniers mois à l’exploitation des archives relatives au procès Schwartzbard en 1927. Samuel Schwartzbard est accusé d’avoir assassiné, le 25 mai 1926 à Paris, Symon Petlioura, l’un des leaders de l’éphémère République populaire ukrainienne (1917-1920) exilé en France. Juif originaire de Bessarabie, arrivé en France en 1910, engagé volontaire lors de la Première Guerre mondiale puis naturalisé en 1925, Samuel Schwartzbard est un militant anarchiste. Il revendique son crime et la préméditation de celui-ci, car il tient Petlioura pour l’un des principaux responsables des terribles pogroms commis en Ukraine entre 1918 et 1920. L'étude historique de Virginie Sansico sur ce procès va ouvrir la voie à un projet plus large sur l’histoire de la représentation des Juifs et de la mobilisation des théories antisémites et conspirationnistes dans les procès politiques.
Chercheuse associée au CESDIP (Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales) et à l’HisTeMé (Histoire-Territoire-Mémoire, Université de Caen Normandie), Virginie Sansico a notamment publié La justice déshonorée, 1940-1944 (Tallandier, 2015). Déjà soutenue dans ses recherches en 2011-2012, elle a bénéficié d'une bourse post-doctorale de la Fondation pour la mémoire de la Shoah en 2020-2021, bourse qui a été prolongée pour l’année 2021-2022.