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La justice française à l'épreuve du génocide des Tutsi rwandais. Les procès d'Octavien Ngenzi et Tito Barahira devant la Cour d'assises de Paris 2016-2018 - Timothée Brunet-Lefèvre
Depuis 2014, des Rwandais accusés de génocide sont jugés dans des tribunaux français. Ce fut le cas d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira, les deux anciens bourgmestres de la commune de Kabarondo, jugés conjointement devant la Cour d’assises de Paris en première instance (2016) puis en appel (2018). Cette thèse interroge les conditions d’enquête et d’instruction d’un dossier de génocide par la justice française, face à un crime de masse lointain approché dans son échelle la plus locale.
Depuis 2014, des Rwandais accusés de génocide sont jugés dans des tribunaux français. Ce fut le cas d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira, les deux anciens bourgmestres de la commune de Kabarondo, jugés conjointement devant la Cour d’assises de Paris en première instance (2016) puis en appel (2018). Ces deux anciens notables ont été condamnés à la réclusion à perpétuité en vertu de la compétence universelle de la France, qui permet aux juridictions nationales de juger des étrangers pour des faits commis à l’étranger contre des étrangers.
Une centaine de témoins originaires de cette commune de l’est du Rwanda ont donc comparu à deux reprises au tribunal. Avec eux, c’est l’ensemble d’un voisinage local qui a été reconstitué dans le prétoire, partagé entre victimes, bourreaux, accusés et leurs familles respectives.
Le filmage intégral des deux audiences (cinq cents heures de film) retrace les débats qui ont marqué la première instance puis l’appel en 2018.
Cette thèse interroge les conditions d’enquête et d’instruction d’un dossier de génocide par la justice française, face à un crime de masse lointain approché dans son échelle la plus locale. Ce questionnement se prolonge jusqu’à l’audience : une cour d’assises française ordinaire, éloignée du génocide dans le temps comme dans l’espace, est devenu un espace pour ces échanges locaux et internationaux.
Mémorial du génocide des Tutsi à Biserero, Rwanda. photo FMS / GR
Il existe peu de recherches aussi approfondies qui s’appuient sur l’enregistrement audiovisuel complet d’un procès d’une telle envergure, ce qui confère une grande originalité à cette thèse. En outre, la plupart des recherches sur les suites judiciaires du génocide des Tutsi portent sur les procès tenus devant le Tribunal pénal international, et non sur des procès nationaux. Timothée Brunet-Lefèvre s’appuie enfin sur des entretiens menés en France et au Rwanda.
Cette mise au jour du processus génocidaire au niveau local, prolonge les travaux d’Hélène Dumas, et établit le lien entre la propagande raciste qui s'était intensifiée durant les quatre années précédant le génocide et la mise en œuvre du projet d’éradication des Tutsi. Timothée Brunet-Lefèvre déconstruit ainsi tout l’argumentaire du déni, qui a voulu réduire le génocide à une simple "colère populaire" fondée sur la peur. Bien plus, en observant l’émergence persistante des liens sociaux locaux à l’occasion des procès, y compris entre victimes et accusés, il approfondit l’analyse des relations au niveau des collines, en reconstituant un véritable "organigramme" de la commune à partir des dizaines de témoignages recueillis.
Informations pratiques sur la soutenance de thèse de Timothée Brunet-Lefèvre
Mercredi 20 décembre 2023
EHESS
54 Bd Raspail
75006 Paris
Jury :
M. Stéphane Audoin-Rouzeau (Directeur de thèse), EHESS
Mme Hélène Dumas, CNRS
M. Antoine Garapon, Institut des Hautes Études sur la Justice (IHEJ)
M. Rainer Maria Kiesow, EHESS
Mme Sandrine Lefranc, CNRS
M. Jean-Pierre Massias, Université de Pau et des Pays de l’Adour
La thèse de Timothée Brunet-Lefèvre est l'aboutissement d’une recherche soutenue par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
La soutenance de thèse à l'EHESS. Photo FMS / DT