Mémoire | Film

Le cas Léon K - Jérôme Prieur et Aude Vassallo

Parmi les milliers de lettres envoyées à l’administration de Vichy entre 1941 et 1944, deux lettres quasiment identiques adressées au maréchal Pétain ont été́ écrites à un jour d’intervalle, en août 1942, par un jeune Polonais, Léon Kacenelenbogen. Interné dans les camps de Vichy, qu’est devenu l’auteur de ces deux suppliques bouleversantes ? Le cas Léon K. est la filature de ce fantôme à travers la Pologne, la Belgique, la France, l’Espagne, la Palestine mandataire et Israël...

Projection en avant-première : jeudi 28 novembre,19h , Mémorial de la Shoah, dans le cadre du Mois du film documentaire

À l’origine, deux lettres parmi des milliers, celle du jeune Léon Kacenelenbogen la première envoyée le 27 août 1942, depuis le camp français de Douadic (Indre) puis à nouveau le lendemain, le 28 août, après son arrivée au camp de Nexon (Haute-Vienne), deux longues lettres sélectionnées par Jérôme Prieur et l'historien Laurent Joly pour leur film Les suppliques, reprises dans l’application Suppliques stories et le spectacle théâtral Les suppliques du Birgit ensemble

À chaque fois, la lecture, l’écoute ou l’interprétation de ces deux lettres est bouleversante. Il y a le contexte, un jeune homme de 20 ans écrit au maréchal Pétain et clame son envie de vivre ; il y a le registre à la fois ironique et solennel, l’équilibre, la force et l’intelligence d’une lettre écrite dans un français parfait par un Polonais apatride. La graphie est régulière, elle trahit toutefois l’émotion de son auteur, ce qui étreint le spectateur d'aujourd'hui. Il y a enfin ces 24 heures entre les deux lettres presque identiques, comme deux versions d’un même tableau. Ces deux missives n’ont abouti à rien, selon le sort partagé par toutes les autres suppliques.

Mais elles disent le caractère de l’auteur. Léon Kacenelenbogen, né en 1921 en Pologne, Ce jeune polonais avait fui la Belgique où il vivait avec sa famille. Le 16 juillet 1942, le jour même de la rafle du Vel d’hiv à Paris, Léon avait réussi à franchir clandestinement la ligne de démarcation. Bien qu'assigné à résidence par les autorités françaises à Argenton-sur-Creuse, il avait pu se croire à l'abri dans cette paisible localité du cœur de la France. Mais c’était pour être arrêté et interné un mois plus tard après la rafle du 26 août, opérée cette fois à travers toute la zone libre par la gendarmerie française et la police de Vichy. 

Comme bien d'autres réfugiés étrangers, Léon n’avait commis d'autre crime que d’être un "représentant de la race damnée et condamnée", ainsi qu'il s'en insurge devant Pétain. Transféré finalement au camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), antichambre de Drancy et ensuite des camps de la mort, Léon n’a pas attendu la réponse à ses "missives" et s’est évadé on ne sait comment. Il traverse à pied les Pyrénées, arrive en Espagne, où il est longuement emprisonné dans le camp de Miranda près de Barcelone d'où il finit par embarquer à bord du Nyassa, le premier bateau de réfugiés à destination de la Palestine mandataire. 

En 1950, il quitte Israël et retourne en Belgique où il décède en 2017, à Anvers, à l’âge de 96 ans sans rien dire de son destin qui s'est joué en quelques jours. Reste à tenter de faire son portrait en creux, comme le dit Marcel Cohen dans le film. Hormis sa trace dans les archives administratives et policières, de rares photos, il ne reste presque rien de lui. Les lieux eux-mêmes sont devenus aujourd'hui des ruines silencieuses. Alors, comme on ferait une filature, le film est parti à la poursuite de Léon K. pour essayer de retrouver l'ombre de ce jeune homme. 

Pour s'approcher de Léon K, de son mystère, des membres de sa famille, plusieurs historiens, écrivains..., ont été interrogés par le réalisateur et par Aude Vassallo, qui a mené l'enquête : Sabine Lam Kacenelenbogen et Renée Krygier Kacenelenbogen, Philippe Barlet (historien), Anne Boitel (historienne), Nicolas Bouchaud (comédien), Josep Calvet Bellera (historien, specialiste du Mémorial de Miranda), Marcel Cohen (écrivain), Alexandre Doulut (historien, spécialiste du camp de Rivesaltes), Fanny Dupuy (historienne), Laura Hobson Faure (historienne, spécialiste du Joint Committee), Christine Jouishomme (experte en écriture), Catherine Nicault (historienne, ancienne rédactrice en chef d’Archives juives), Guy Perlier (historien).

Le cas Léon K - Jérôme Prieur et Aude Vassallo

Documentaire /80mn / La Générale de productions

Un film de Jerôme Prieur, d’après une enquête d’Aude Vassallo

Image : Renaud Personnaz / Montage : Isabelle Poudevigne : Musique : Marc-Olivier Dupin

Laurent Joly est le conseiller historique du projet.

Ce documentaire a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. 

 

Diffusion 

Projections en avant-première dans le cadre du Mois du film documentaire : 

 

  • Jeudi 7 novembre 2024, 18h30, Mémorial de Rivesaltes

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  • Jeudi 28 novembre,19h, Mémorial de la Shoah, Paris

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Le cas Léon K - Jérôme Prieur et Aude Vassallo

Famille Kacenelenbogen, de gauche à droite : Léon, Bella, Azryl et Meryem, Varsovie, vers 1926-1927. Abraham, surnommé Abie naîtra en 1934 en Belgique. 

Le cas Léon K - Jérôme Prieur et Aude Vassallo

Léon sur le paquebot Nyassa en 1944