Lutte contre l'antisémitisme | Projet pédagogique
L'éducation contre l'antisémitisme - Questions à Mario Stasi, président de la Licra
Mario Stasi, président de la Licra, Camille Lhopitault, directrice générale et Emmanuel Debono, rédacteur en chef de Droit De Vivre - DDV la revue de la Licra - ont répondu à nos questions sur leurs actions en matière de lutte contre l'antisémitisme, quelques mois après les attentats terroristes du 7 octobre et face à la montée des actes antisémites en France.
- Avant d'évoquer vos actions, rappelez-nous qui sont les militants de la Licra, comment les recrutez et les formez-vous ?
Nos militants viennent de tous les milieux professionnels, sont de tous âges et de toutes "origines", Parmi nos intervenants, qui vont sur le terrain, dans les écoles ou les commissariats, nous trouvons des bénévoles, en activité ou retraités, mais aussi des salariés de la Licra, spécialisés ou formés comme les bénévoles. Nous avons notre propre institut de formation, et nous avons pour principe que lorsque nos bénévoles interviennent dans les classes ou ailleurs, ils sont toujours deux. Ils suscitent des échanges, un débat : leur objectif est que les élèves apprennent à douter.
Nous avons un regain d'adhérents et de militants depuis quelques mois, c'est une sorte d'"effet 7 octobre". Par ailleurs, nous allons à la rencontre des potentiels bénévoles : en juin dernier, nous avions par exemple un stand au festival Solidays et avons recueilli 60 nouvelles adhésions, de jeunes. Fin juin, nous avons organisé pour la 2ᵉ fois, un Festival Joséphine Baker - militante active de la Licra - aux Millandes, son château dans le Périgord avec notre section locale. Nous sommes également présents au Festival d'Avignon en juillet où nous soutenons des pièces de théâtre sur nos thématiques. Le 19 octobre prochain, nous organisons notre université d'automne, au Havre cette année, sur le thème "7 octobre : un an après". Enfin, en 2025, nous organiserons une Journée des Justes à Toulouse.
- Êtes-vous présents sur tout le territoire ?
Notre force est précisément le maillage territorial : nous avons des sections très dynamiques dans plusieurs régions - le Périgord, à Strasbourg, à Lyon, Marseille, Bordeaux, Limoges, en région parisienne. Quand il n'y a pas de section, nous avons des délégués. À l'étranger, nous sommes implantés en Suisse, en Autriche et en Belgique ; ailleurs, nous nouons des partenariats avec des associations locales...
- De quelle manière, l'aide de la FMS depuis 2020, a-t-elle contribué à vos actions ?
D'une manière déterminante ! Elle a décuplé nos moyens d'action et nous a permis en particulier d'atteindre les plus jeunes. Nous avons pu lancer en 2021 le campus numérique en ligne Sapio à destination des enseignants et de leurs élèves. On y trouve de courtes vidéos sur des sujets sensibles et compliqués : l'altérité, l'imaginaire complotiste, la radicalisation, les génocides, la laïcité et les différentes formes de l'antisémitisme (négationnisme, antisionisme...). Ce sont des vidéos illustrées et d'autres comportant des micro entretiens avec des intervenants spécialisés - avocats, philosophes, historiens, etc. - qui répondent en quelques minutes à des questions délicates comme le prétendu "complot juif", "le régime laïque empêche-t-il d'appartenir à une communauté"...
Le développement de ces vidéos est la pierre angulaire de nos actions en direction des plus jeunes. Elles sont diffusées in situ, en classe, où elles servent de supports à nos interventions. Grâce à leurs formats courts, elles sont disponibles sur notre chaine YouTube, et peuvent être diffusées sur les réseaux sociaux : X, Tiktok, Instagram... Notre objectif est d'aller plus loin dans le modèle Sapio en diversifiant les formats et en l'utilisant dans toutes les disciplines,
- Comment abordez-vous plus spécifiquement la lutte contre l'antisémitisme, en particulier depuis le 7 octobre ?
Depuis le 7 octobre, nous constatons une cristallisation des phénomènes antisémites, qui sont plus violents, particulièrement sur les réseaux sociaux et qui concernent les plus jeunes, tant pour les auteurs que pour les victimes. Notre dernier numéro de DDV s'intéresse aux enfants et au racisme. C'est plus évident de parler du racisme à cet âge que de l'antisémitisme car il s'appuie sur des caractéristiques physiques, mais nous abordons également l'éducation primaire à l'anti-antisémitisme. La lutte contre l'antisémitisme s'inscrit pour nous dans un continuum depuis la création de la Lica en 1927 autour de la lutte contre l'antisémitisme, avec des causes variables et un contexte différent selon les époques. L'universalisme et la laïcité sont nos deux autres piliers. De la lutte contre l'antisémitisme, nous avons étendu notre action à la lutte contre le racisme et à toutes les discriminations.
Emmanuel Debonno, Mario Stasi et Camille Lhopitault, devant le portrait de Joséphine Baker, grande figure de la lutte contre le racisme. Photo: FMS/ID
- Comment travaillez-vous justement avec les plus jeunes ?
Nous avons des documents écrits adaptés, nous travaillons autour de jeux de rôle. Nous essayons de revenir dans la classe plusieurs fois, à quelques semaines d'intervalles. Dans le dernier numéro de DDV, nous avons interrogé des spécialistes de la petite enfance - généticien, anthropologue, professeur de psychologie du développement. Il est nécessaire d'adosser nos actions antiracistes aux apports de la recherche scientifique.
- En dehors de l'éducation de la jeunesse, quels autres types d'actions menez-vous ?
Nous intervenons également auprès des fonctionnaires de police ou de gendarmerie. Auprès des adultes aussi, il faut pouvoir déconstruire les préjugés. Nous intervenons aussi dans le milieu sportif, comme en ce moment avec les Jeux olympiques. Nous sommes aussi une institution non communautaire, apolitique, universaliste, très sollicitée dans le combat contre l'antisémitisme d'extrême-droite ou d'extrême gauche, dans le combat contre l'entrisme des mouvements islamistes. Notre rôle est aussi d'aider juridiquement les victimes d'actes racistes ou antisémites, de leur expliquer leurs droits, de faire nous-mêmes des signalements. Nous avons une commission juridique qui comprend une quarantaine d'avocats. Nous travaillons aussi auprès des pouvoirs publics pour proposer des lois,
Enfin, pour terminer, information importante qui intéressera particulièrement la FMS : le prochain numéro de DDV, qui paraîtra fin juillet, a pour thème : "De 'antisionisme à l'antisémitisme", reprenant le titre du livre de Léon Poliakov, paru en 1969. Nous y ajoutons le sous-titre "Mythes et réalités".
Capture d'écran du programme Sapio.
Les actions de formation et d'éducation de la Licra reçoivent le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.