Culture juive | Film
Oylem - Arthur Borgnis
Oylem est un voyage poétique au cœur du Yiddishland disparu. Ce long-métrage documentaire associe des images d'une grande beauté formelle avec une voix off qui fait en yiddish le récit de la vie de communautés dont il ne reste que le souvenir.
Oylem est un voyage poétique au cœur du Yiddishland disparu. Ce long-métrage documentaire associe des images d'une grande beauté formelle, dans un noir et blanc très contrasté, avec une voix off qui fait en yiddish le récit de la vie dans ces communautés dont il ne reste que le souvenir.
Tourné en Pologne, Lituanie, Ukraine et Moldavie, le film donne à voir des paysages immuables de forêts, villages sous la neige rappelant les shtetls, bâtiments abandonnés ou anciennes synagogues vides... L'absence de toute figure humaine à l'écran renforce le sentiment d'un monde qui n'existe plus que par la force du souvenir. Et c'est le rôle de la voix off de le faire revivre en racontant en yiddish des épisodes de vie - extraits de littérature et de poésie - qui permettent d'imaginer le quotidien de ces communautés oscillant entre tradition et modernité.
Dans cette chronique d'un monde disparu percent ainsi des moments singuliers : le garçon qui découvre la religion comme contrainte et consolation, le souvenir d'une mère allumant le chandelier un soir de shabbat, un tract pour un meeting appelant à la liberté, l'éveil d'une conscience politique ("Dieu est socialiste!"), la première visite dans une ville...
Mais de cette voix douce perce aussi le surgissement de la violence des pogroms, les ténèbres absolues qui entraînent un silence absolu : "Les morts n’ont jamais connu un tel bonheur, une telle tranquillité de leur vivant."
Ces balises temporelles que sont l'évocation des pogroms et des révolutions russes annoncent inéluctablement la destruction de ces communautés. Un sursaut d'espoir avant l'engloutissement final surgit à travers des extraits du journal de Yitskhok Rudashevski Entre les murs du ghetto de Wilno 1941-1943 lus par une voix plus jeune, qui raconte la joie d'étudier dans le ghetto, la révolte contre les rouelles jaunes "infamantes" et le "détestable aujourd'hui"...
Aujourd’hui j’ai 15 ans.
On ne se rend pas compte comme le temps fuit. Lui, le temps, court de l’avant sans qu’on s’en aperçoive et tout à coup on réalise, comme moi aujourd’hui, que filent les jours, les mois. Que le ghetto n’est pas que le douloureux instant éphémère d’un cillement, d’un battement de coeur, d’un cauchemar qui peut s’évanouir à tout moment, mais un vaste marécage où s’enlisent nos jours, nos semaines. Bien d’autres pensées se sont embrouillées dans ma tête. J’ai ressenti très fort deux choses : un regret, tenaillant, lancinant. Je voudrais crier au temps d’attendre, de cesser de courir. Je voudrais rattraper mon année passée et la garder pour plus tard jusqu’à la nouvelle vie.
Informations
France, 2022, 72 min, yiddish sous-titré en français, Eternity films.
À voir au cinéma Saint André des Arts du mercredi 6 au mercredi 20 novembre 2024
30 rue Saint André des Arts
75006 Paris