Culture juive | Film
Retour à Westoffen - Ondine Debré
Quand une histoire personnelle et familiale fait écho à l'histoire de la communauté juive d'Alsace : c'est le récit filmé d'Ondine Debré, petite-fille de l'ancien Premier ministre Michel Debré, issue d'une famille de juifs allemands réfugiés à Westhoffen. Des juifs de ce village, que l'on appelait au XIXe siècle "la petite Jérusalem" car il comptait de nombreux rabbins lettrés, il ne reste plus que des traces de mezouzah dans l'encadrement des portes et des tombes au cimetière.
C'est l'histoire d'un petit village, à 23 km de Strasbourg, où viennent de mourir les deux derniers Juifs de la communauté la plus ancienne, et longtemps la plus importante de Basse-Alsace, dont sont originaires quelques personnages illustres comme l'ancien premier ministre Léon Blum.
C'est aussi l'histoire d'une famille dont les origines ont été presque cachées. Celle de la famille Debré qui a donné plusieurs hommes illustres à la France, notamment Michel Debré, ancien Premier Ministre de Charles de Gaulle.
Ce récit filmé, Ondine Debré l'entreprend à la suite de la profanation du cimetière juif de Westhoffen, le 3 décembre 2019, puis de la mort de son père, l'écrivain et journaliste François Debré, l'année suivante. Elle se plonge dans les archives familiales qui lui racontent un passé très différent de ce qu'elle a vécu. Pourquoi un si grand écart entre ses origines juives, alsaciennes et pauvres et sa réalité catholique, parisienne et bourgeoise ? Pourquoi sa famille a-t-elle tu son ascendance juive ?
La réalisatrice nous fait partager, pas à pas, rencontre après rencontre, cette quête, commencée auparavant par son père. Rencontre avec Delphine Horvilleur, écrivaine et rabbine, dont la famille vient de la même région. Rencontre aussi avec l'historien Jean-Pierre Lambert, avec qui elle recherche, rue après rue, les traces laissées par les mezouzote (pluriel de mezouzah) sur les frontons des portes des maisons et les fours traditionnels utilisés pour Pessah.
Au cimetière juif, Ondine Debré retrouve une trace palpable de quelques ancêtres. Mais c'est aux archives du Bas-Rhin qu'elle découvre avec émotion le registre sur lequel son aïeul, Anchel Moïse Dabach, a laissé sa signature sur un acte qui, selon le décret napoléonien de 1808 l'oblige à prendre un nom de famille français. Il choisit de s'appeler désormais Anselme Deprès, qui se transformera bientôt en Debré, plus proche de la sonorité de son nom originel.
Elle poursuit le fil de sa quête à Paris où son ancêtre, le prospère et avisé rabbin Simon Debré, a émigré après la défaite de 1870 afin de s'expliquer la soudaine rupture avec le judaïsme opérée par son arrière-grand-père Robert Debré, le grand pédiatre, fils de Simon, qui épousera une femme de la grande bourgeoisie catholique.
À travers son histoire familiale, c’est toute l’histoire des Juifs d’Alsace qu’elle explore, faisant ressortir l’ancienneté et le rayonnement du judaïsme alsacien. Tout en restant accessible, elle questionne avec finesse et sensibilité les notions complexes d’identité collective et d’identité individuelle.
Ondine Debré déambulant dans Westhoffen en compagnie de l'historien Jean-Pierre Lambert
Documentaire, France, 2021, 52 minutes, No School production.
Diffusé en avril 2022 sur France 3 Grand Est, ce film a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.