Mémoire | Publication
Je n'ai pas oublié... Histoires de la Shoah par balles - Pierre-Roland Saint-Dizier / Christophe Girard
Cette BD raconte une double histoire : celle des massacres des Juifs en Europe de l'Est et la manière dont ces fusillades de masse ont été occultées dans les pays passés sous la chape de plomb mémorielle soviétique. Grâce notamment à l'action de l'association Yahad-In Unum qui entreprend depuis 20 ans de retrouver les sites de ces tueries en interrogeant les derniers témoins, cette "Shoah par balles" est mieux connue. L'auteur a participé à un voyage d'étudiants d'Albi qui accompagne régulièrement les équipes de Yahad-In Unum : il en tire une bande dessinée qui explore toutes les dimensions de cette histoire peu connue.
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Depuis 2004, l’association Yahad - In Unum créée par le père Patrick Desbois recueille les récits des derniers témoins des fusillades de Juifs et de Roms en Europe centrale et orientale et, grâce à ces témoignages, localise les fosses communes où ont été enterrées les victimes. L'association est associée depuis la rentrée universitaire 2016-2017 avec l’Institut National Universitaire d’Albi pour proposer une unité d’enseignement sur le thème "Héritage historique européen et réflexion citoyenne", à travers l'étude de ce qu'on appelle communément "la Shoah par balles". Ces deux projets reçoivent le soutien de la Fondation.
Cet album raconte cette double histoire : le journaliste Pierre-Roland Saint-Dizier a été invité par les professeurs d'Albi à accompagner en Pologne, dans la ville de Lublin, leur groupe d'étudiants, alors qu'ils vont interroger les derniers témoins des massacres de Juifs fusillés par les commandos mobiles nazis (Einsatzgruppen) et leurs supplétifs.
Depuis 2004, Yahad-In Unum a identifié 3 300 sites dans 8 pays grâce aux témoignages de 7 900 personnes, hommes et femmes qui étaient enfants à l'époque. Alors que la nature a repris ses droits sur ses sites, qu'il n'y a pas d'archives pour documenter ces crimes, il ne reste plus que leurs récits. Des récits que ces témoins n'ont souvent jamais livrés auparavant, une chape de plombe mémorielle ayant recouvert dès la fin de la guerre les pays passés sous influence soviétique.
Il a vu les nazis, le massacre des juifs, les balles dans la nuque à bout portant, les enfants traînés comme des chiens, la fosse commune se remplir la terre bouger au-dessus des cadavres.
Le scénario propose un va-et-vient réussi entre l'évocation de la Shoah (à travers la reconstitution des massacres tels que les témoins les racontent et la mise en place des ghettos et des camps) et le déroulement du voyage des étudiants, alors que la présence juive a été effacée du paysage et ne se retrouve que dans des musées ou des espaces abandonnés comme le cimetière juif de Lublin. Il est servi par le dessin précis et expressif de Christophe Girard, qui fait le choix du monochrome pour évoquer le passé et de la couleur pour les passages contemporains.
Cet album raconte à la fois ce moment d'histoire méconnue et la réflexion qu'en tirent les étudiants et leurs professeurs, sur la manière dont l'histoire peut être établie, écrite et enseignée, et comment elle s'articule avec la mémoire individuelle et collective des événements. Par la précision des dessins, l'articulation maîtrisée du récit entre passé et présent, les questions actuelles sur les enjeux liés à cette mémoire, cet ouvrage se révèle émouvant et un outil pertinent de transmission.
Pierre-Roland Saint-Dizier, journaliste à la Ville d'Albi, est scénariste de BD depuis une quinzaine d'années. Il a notamment publié une trilogie sur Saint-Exupéry.
Christophe Girard, artiste-plasticien, se consacre désormais uniquement à la BD. Ses albums sont régulièrement récompensés. Parmi ceux-ci : Ismahane (prix œcuménique du Jury au festival d'Angoulême 2012) ; L'Affaire Zola ou Le Matin de Sarajevo (meilleure BD d'histoire contemporaine 2023).
À paraître mercredi 21 février 2024 aux éditions du Rocher, cet album a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
