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Talaat Pacha, l'autre fondateur de la Turquie moderne, architecte du génocide des Arméniens - Hans-Lukas Kieser
Cette biographie est la première en français de Mehmed Talaat (1874-1921) qui fut le dernier d’une longue lignée de ces Grands Vizirs en charge de diriger l’Empire ottoman. Il joua un rôle essentiel dans la bascule entre l’Empire ottoman finissant et la naissance de la république turque. Mais, surtout, son nom demeure indissociablement lié au génocide arménien qu'il a personnellement planifié, élaboré et mis en œuvre.
Cette biographie est la première paraissant en français de Mehmed Talaat (1874-1921) qui fut le dernier d’une longue lignée de ces Grands Vizirs (l’équivalent d’un Premier ministre) qui eurent la charge de diriger l’Empire ottoman.
Le personnage est pourtant bien plus que cela : il apparaît incontournable pour le rôle qu’il a joué dans la bascule entre l’empire ottoman finissant et la naissance de la république turque – au point, selon l’auteur, de disputer à Mustapha Kemal "Atatürk" le titre de "père de la Turquie moderne" qui lui est traditionnellement dévolu.
Talaat Pacha s’impose aussi pour avoir contribué à définir, dès l’orée du XXe siècle, quelques notions appelées à occuper le devant de la scène dans les décennies suivantes : le jihad, le parti unique, le gouvernement révolutionnaire, toutes coulées dans le creuset de l’expérience politique des "Jeunes-Turcs". Talaat peut être tenu pour l’artisan majeur de la politique turco-nationaliste d’État post-ottomane. Durant les guerres balkaniques et la Première Guerre mondiale, il a développé sa conception du pouvoir en s’appropriant différents éléments d’un nationalisme messianique.
Mais, surtout, son nom demeure indissociablement lié au génocide arménien dont il est un des responsables directs, puisqu’il occupe de facto le pouvoir en Turquie de 1913 à 1918 et parce qu'il a personnellement planifié, élaboré et mis en œuvre l’extermination des Arméniens ottomans. Démis de ses fonctions à la fin de la guerre, condamné à mort par contumace à Constantinople précisément pour son rôle dans le génocide, exilé en Allemagne, il est assassiné en 1921 à Berlin par un jeune Arménien, Soghomon Telirian, qui sera acquitté. Les chapitres sur cet épisode ouvrent d'ailleurs l'ouvrage.
Alors que la Turquie célèbre le centenaire de sa fondation en 1923, cet ouvrage porte un regard décalé, en amont, sur cette naissance liée à la quasi-disparition des communautés chrétiennes du pays. L’édition anglaise chez Princeton University Press en 2018 et surtout la traduction turque ont été saluées par les historiens. La publication de cet ouvrage en français constitue un événement non seulement pour les chercheurs qui travaillent sur la Turquie du XXe siècle ou la fin de l’Empire ottoman, mais pour tous ceux qui s'intéressent à la formation du Moyen-Orient contemporain, à l’Arménie et aux diasporas arméniennes.
Auteur de nombreux ouvrages, Hans-Lukas Kieser, est professeur associé à l'université de Newcastle (Australie) et à l'université de Zurich (Suisse). Il fait partie des quelques historiens qui ont renouvelé l’historiographie de l’Empire ottoman finissant et de la Turquie contemporaine.
L'édition française de cet ouvrage, traduit de l'allemand par Gari Ulubeyan, a fait l'objet d'une préface d'Antoine Garapon.
La traduction a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Cet ouvrage, publié chez CNRS Éditions, parait jeudi 25 mai 2023.