Mémoire | Film
Le refus du Juste - Dominique Maestrati
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Jean Goetschel, Juif et Belge, est chassé de son pays par les nazis. Arrivé en France, il fait la rencontre de Jean Alesandri qui l’accueille en Corse et le protège de la déportation. Bien qu’il refusât toujours qu’on le distingue pour cela, ce dernier fut un "Juste" corse en protégeant Jean Goetschel et sa famille. Mais contrairement à ce qu’affirment certains, l’humanité dont il a fait preuve n’a pas été le lot commun de tous les habitants de l’île.
Ce film de Dominique Maestrati explore l’amitié entre deux hommes qui portent le même prénom et n’auraient jamais dû se rencontrer. Jean Goetschel est Juif, né à Bruxelles, musicien et sportif, historien de formation et exerce le métier de comptable ; Jean Alesandri est Corse, instituteur et catholique, originaire d’Alata, mais né à Saint Etienne.
Le documentaire retrace le périple de Jean, chassé de Belgique par les nazis avec sa mère et son frère Pierre, et qui, après avoir connu l'internement comme Belge à Aubagne, trouve refuge, grâce à un cousin marié à une Corse, Gaston Bloch, auprès de l'ami de ce dernier, Jean Alesandri, d'abord à Marseille puis à Ajaccio. Là, grâce au soutien sans faille et à l'entregent de Jean Alesandri, Jean Goetschel et son frère se fondent dans la population, travaillent dans les cantines scolaires organisées par Alesandri et adhèrent même au mouvement de jeunesse pétainiste des "Compagnons de France" pour avoir une couverture.
En contrepoint de l'histoire touchante de ces deux familles, rapprochées par des événements dramatiques et qui garderont des relations étroites des années après la guerre comme en témoignent deux des petits-enfants de Jean Alesandri et la nièce de Jean Goetschel, le documentaire donne largement la parole à des historiens spécialistes de l'histoire de la Shoah en Belgique - Laurence Schram et Daniel Dratwa - et en France. Tal Bruttmann, Iannis Roder et leurs homologues corses - Hubert Lenziani etPierre Luciani notamment - soulignent les spécificités de l'île de Beauté. En effet, la Corse bénéficia d'un préfet vichyste qui ne mit aucun zèle à recenser les Juifs présents sur son territoire, autochtones et réfugiés, et qui ne connut pas l'occupation allemande mais italienne, avant d'être libérée par les Alliés dès septembre 1943.
Le documentaire ne passe pas sous silence les pillages de magasins juifs à Ajaccio ou Bastia, l'antisémitisme ambiant dans la presse et l'administration locale, rappelant que s'il n'y eut qu'un seul Juif déporté du territoire vers les camps de la mort, un camp d'internement exista dans la montagne corse, à Asco, où les internés bénéficièrent certes de la mansuétude des habitants du village. Hospitalière, la Corse ne fut pas exactement l'île des Justes de la légende.
Ce "refus du Juste" est celui de Jean Alessandri qui ne se laissa jamais impressionner et refusa les diktats vichystes et nazis, mais c'est aussi celui qu'il opposa à son ami belge qui, après avoir visité avec sa femme le site de Yad Vashem en Israël, voulait instruire un dossier pour faire reconnaître son ami et sauveur Juste parmi les Nations, arguant n'avoir rien fait d'exceptionnel mais juste été humain.
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La famille Goetshel
Ce documentaire de 52 mn, produit par Injam Productions, a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Diffusé sur France 3 Corse le 28 novembre 2024, "Le refus du Juste" est visible sur france.tv jusqu'au samedi 29 novembre 2025.
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L'instituteur Jean Alessandri dans les années 1920