Culture juive | Publication
Le dibouk - Shloyme An-ski , traduit par Batya Baum - Maison de la culture yiddish / Bibliothèque Medem
Shloyme An-ski (Shloyme Zaynvl Rapoport, 1863-1920), écrivain en yiddish et en russe, folkloriste et homme politique, a conçu dès 1911 l'idée d'un drame en langue russe autour du motif folklorique du dibbouk, l'âme invasive. C'est en 1915 qu'il en termine une première version, incorporant dans la pièce de nombreux éléments recueillis au cours de l'expédition ethnographique juive qu'il a dirigé pendant plus de deux ans à partir de 1912.
Le manuscrit russe approuvé par la censure tsariste fin 1915 (un seul exemplaire conservé, redécouvert vers 2 000) est très différent du texte qui a fait plus tard la renommée d'An-ski. Celui-ci a largement remanié la pièce en 1916, avant de la traduire lui-même en yiddish. Le théâtre hébreu Habima (fondé à Moscou en 1918) ayant décidé de commencer son activité par cette œuvre d'An-ski, on en confia la traduction, à partir des versions russe et yiddish, au poète Haim-Nakhman Bialik, dont la version hébraïque fut publiée à Moscou la même année. Quant à la version yiddish, elle fut publiée en 1919 à Vilnius, où l'auteur s'était réfugié en fuyant la Russie bolchevique avant de gagner Varsovie.
C'est dans la capitale polonaise que Der Dibuk fut créé en yiddish par l'ensemble Vilner trupe en décembre 1920, un mois après la mort de son auteur, récoltant un succès qui s'est prolongé pendant des décennies. Hadibbuk en hébreu, créé par la troupe Habima à Moscou en 1922, devint la pièce principale de son répertoire pendant ses longues tournées internationales des années suivantes, ainsi que depuis l'établissement de la troupe en Palestine mandataire en 1926.
Batia Baum, récemment disparue, offre au lecteur une traduction d'une grande finesse et l'édition bilingue lui permettre de se reporter au texte original.
L'introduction d'Yitskhok Niborski permet de comprendre l'aboutissement d’une profonde évolution de l'auteur élevé initialement dans un milieu hassidique qui en est venu graduellement à rejeter ses racines et à se détacher du judaïsme, ainsi que du yiddish, pour adopter les vues socialistes des intellectuels russes de son entourage.
Ce n'est qu’ultérieurement notamment sous l'influence de Peretz qu’il en est venu à s'identifier aux vues favorables au socialisme juif naissant ainsi qu'à la renaissance nationale juive. Cette évolution l’a amené à renouer avec ses origines comme l’illustrent les reportages bouleversants qu'il a rédigés au sujet de la persécution des Juifs en Galicie ainsi que sa contribution extraordinaire à l’historiographie du folklore juif d'Europe orientale.
Cette nouvelle édition éditée par la Maison de la culture yiddish / Bibliothèque Medem a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Parution : septembre 2024