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Entre le colonialisme et la Shoah. Les Juifs de Libye et les réparations pour les persécutions raciales - Giordano Bottecchia

Dans le cadre de son post-doctorat, Giordano Bottecchia étudie un sujet inédit : l’accès (ou non) des Juifs de Libye aux mesures de réparation prévue par l’Italie pour les persécutions raciales subies pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette recherche s’inscrit dans la continuité de sa thèse qui portait sur l’impact de la décolonisation sur les dynamiques d'inclusion et d'exclusion de la communauté juive libyenne en Libye et en Italie.

Bourse post-doctorale 2024-2025

Giordano Bottecchia mène des travaux de recherche sur un sujet inédit et méconnu : l’accès (ou non) des Juifs de Libye aux mesures de réparation prévue par l’Italie pour les persécutions raciales subies pendant la Seconde Guerre mondiale. 

Cette recherche s’inscrit dans la continuité de sa thèse de doctorat qui portait sur l’impact de la décolonisation sur les dynamiques d'inclusion et d'exclusion de la communauté juive libyenne en Libye et en Italie. Plus petite communauté juive d’Afrique du Nord, elle comptait 33 000 personnes en 1939.  C’est entre 1949 et 1951 que 90 % de cette communauté émigre en Israël, tandis que les 10 % demeurent dans le pays. L'émigration finale et forcée des derniers Juifs de Libye vers l'Italie se produit en 1967, après des violences contre eux. La thèse suivait le fil rouge du statut juridique fluctuant de ces personnes. De facto, jamais reconnues comme citoyens libyens après l’indépendance, en Italie, elles ont fait face à la difficulté d’être reconnues comme des citoyens italiens à part entière, ce qui a eu des conséquences sur leur intégration au sein de la communauté nationale italienne.

En effet, pendant la période coloniale, les Juifs de Libye possédaient une "citoyenneté coloniale" qui n’était pas une citoyenneté de plein droit. La citoyenneté coloniale signifiait une limitation des droits politiques - celui d’être élu ou représenté au niveau politique et administratif -, un contrôle plus grand sur ses déplacements et la limitation de certains droits économiques. Arrivés en Italie après 1967, les Juifs de Libye ont donc réclamé la citoyenneté italienne alors que la citoyenneté coloniale n’existait plus. De 1967 à 1987, va se poser la question du statut de ces citoyens juifs. Or, la non-reconnaissance de la citoyenneté coloniale comme citoyenneté italienne va longtemps entraîner des blocages pour accéder aux mesures de réparation en faveur des victimes des persécutions raciales.

Pour cette recherche, Giordano Bottecchia part de l'hypothèse qu’il n’y a pas eu de débat pour verser des réparations à cette communauté persécutée. D'ailleurs, il y a eu en Italie, après la guerre, une difficulté à reconnaître la persécution des Juifs et un discours public de déresponsabilisation des autorités italiennes et de minimisation de leur rôle dans cette persécution.

Concernant les sources, l'historien s'appuie principalement sur les archives des ministères italiens de cette époque, ceux de l'Intérieur, des affaires étrangères et le ministère de "l’Afrique italienne" qui a disparu après les indépendances. Ses recherches sont menées à partir des demandes individuelles ou collectives de réparation effectuées par la communauté juive d'origine libyenne et s'arrêtent en 1967, à l’arrivée des derniers Juifs de Libye en Italie, quand s’ouvre le débat sur leur citoyenneté.

Cette thématique s'inscrit dans les études sur la Shoah et ses conséquences sur les communautés juives d'Afrique du Nord. Elle a une connexion directe avec la question du sort des Juifs de Tunisie, car plusieurs Juifs de Libye (sujets ou citoyens français)  ont été expulsés vers la Tunisie, alors que ceux de nationalité britannique ont été déportés dans les camps sur le continent européen. 

La communauté juive de Libye n’existe plus depuis le décès de sa dernière représentante au début des années 2000.

Entre le colonialisme et la Shoah. Les Juifs de Libye et les réparations pour les persécutions raciales - Giordano Bottecchia

Juifs de Benghazi dans les années 1940. Avec l’aimable autorisation de Raphaël Luzon.

(La photo de couverture de l'article montre des survivants de la Shoah déportés à Bergen-Belsen et rentrant en Libye. photo Yad Vashem). 

De nationalité italienne, polyglotte, Giordano Bottecchia travaille sur l'histoire des Juifs de Libye. Diplômé de l'Université Ca'Foscari de Venise puis de l'INALCO en études juives et hébraïques, il est titulaire d'un doctorat dont la thèse soutenue en décembre 2023, s'intitule "Deux fois étrangers : les Juifs de Libye entre la Libye et l'Italie, entre construction et reconstruction nationale (1949-1987)" à l'Université Paris 8, sous la direction de Marie-Anne Matard-Bonucci, en cotutelle avec Ilaria Pavan, professeur à l'ENS de Pise. 

Giordano Bottecchia a remporté le Prix « Lettres et Sciences humaines – toutes spécialités » 2024 de la Chancellerie des Universités de Paris pour sa thèse. 

Il reçoit une bourse post-doctorale de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah pour l'année 2024-2025.