La Fondation | Hommages
Disparition de Denise Holstein
Nous avons appris avec une grande tristesse la disparition de Denise Holstein, le 16 novembre 2024, dans sa 98e année. Née à Rouen, elle est arrêtée avec ses parents qui seront déportés avant elle, et assassinés à Auschwitz. Un temps hébergée dans les centres de l'UGIF, elle est déportée par le convoi 77 avec d'autres petits enfants dont elle s'occupait et qu'elle doit abandonner sur la rampe de Birkenau. Depuis les années 1990, elle témoignait sans relâche auprès des scolaires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à ses proches.
Née à Rouen d'un père chirurgien dentiste d'origine lituanienne et d'une mère française née Cohen, Denis Holstein a un frère plus âgé de trois ans, Jean. Grâce à sa profession, son père, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, échappe aux premières lois raciales de Vichy d'octobre 1940 et peut continuer à exercer. Il est cependant arrêté une première fois en mai 1942 et détenu à Drancy dont il est libéré en août. À la même période, Jean est mis à l'abri dans le Vercors.
En janvier 1943, lors de la grande rafle des Juifs de Rouen, Denise est arrêtée avec ses parents, Bernard et Juliette, à leur domicile et tous trois sont envoyés à Drancy. Tombée malade, Denise en sort en mars : elle recevra ensuite des nouvelles de ses parents, mais ne les reverra plus. Ils sont déportés par le convoi 62 du 20 novembre 1943 et assassinés dès leur arrivée à Auschwitz. À sa sortie de l’hôpital, Denise est placée dans les maisons d'enfants orphelins juifs de l'UGIF, d'abord à Paris puis à Louveciennes. Là, elle devient monitrice d'un groupe d'enfants, tout en continuant le lycée par correspondance.
Le 22 juillet 1944, les 32 enfants du centre sont arrêtés avec leurs monitrices, transférés à Drancy, et déportés vers Auschwitz-Birkenau, par le convoi 77. Arrivée sur la rampe de Birkenau, un jeune prisonnier français lui intime de ne pas prendre d'enfants dans les bras. Hors du train, elle voit une petite fille pleurer seule, la prend par la main, mais le jeune homme la rappelle à l'ordre, et Denise continue seule. Elle comprendra plus tard que lui obéir lui avait sans doute sauvé la vie.
Sélectionnée pour le travail forcé, elle passe par différents Kommandos, et n'a, dès son arrivée au camp, qu'une idée en tête : survivre. À la fin de l'année, elle est évacuée à Bergen-Belsen et libérée le 15 avril 1944.
Rentrée en France après avoir guéri du typhus, elle retrouve son frère Jean, et d'autres membres de sa famille. En séjour près de Cayeux-sur-Mer, chez les Sanson, des amis de ses parents, elle rédige en juillet et août 1945 son témoignage de la déportation à la demande de M. Sanson. Elle n'a alors que 18 ans.
Son texte est publié en 2008 dans la collection Témoignages de la Shoah de la Fondation, avec le Manuscrit.
Denise fonde une famille, travaille comme représentante commerciale, puis s'installe dans les Alpes maritimes au début des années 1980. À l'invitation de Serge Klarsfeld, elle participe à l'inauguration d'une plaque commémorative à Louveciennes en 1990. Elle témoigne peu après de son expérience de la déportation et ne cessera plus de le faire depuis lors, notamment dans les académies de Rouen et de Nice.
En 2020, elle participe au film de Baptiste Antignani, Une vie nous sépare. Alors qu'il n'avait "rien ressenti" lors d'un voyage scolaire, il prend contact avec Denise, et tisse avec l'ancienne déportée une belle relation qui lui permet de comprendre l'importance du témoignage et du travail de mémoire.
Denise Holstein tenant sur ses genoux la petite Marie-Anne Vexler, sur le perron du centre de Louveciennes an avril 1944.
Publié le 18/11/2024