Recherche | Publication
Un antisémitisme républicain ? La presse radicale du Sud-Ouest dans le contexte de l’affaire Dreyfus - Solange de Fréminville
Préface de Gérard Noiriel
Alors que l’antisémitisme était une arme forgée par leurs principaux adversaires conservateurs catholiques, La Dépêche (Toulouse) et Le Petit Méridional (Montpellier), quotidiens populaires républicains, artisans de la prospérité du radicalisme dans le Sud-Ouest, ont politisé le "problème juif" avant même l’affaire Dreyfus. Mais c’est lors de l’affaire Dreyfus que les deux quotidiens radicaux ont déployé un récit en mesure de susciter l’aversion des lecteurs envers "le traître". Solange de Fréminville s'est appuyé sur l'étude de centaines d'articles des deux quotidiens pour éclairer cet aspect peu connu de l'histoire de l'antisémitisme en terre radicale.
Alors que l’antisémitisme était une arme forgée par leurs principaux adversaires conservateurs catholiques, La Dépêche (Toulouse) et Le Petit Méridional (Montpellier), artisans de la prospérité du radicalisme dans le Sud-Ouest, ont politisé le "problème juif" avant même l’affaire Dreyfus.
Comme le rappelle Gérard Noiriel dans sa préface en citant un article de Zola de 1888 : dans les années 1880-1890, ces deux quotidiens populaires républicains, tirant pour le premier à 300 000 exemplaires et, pour le second, à 80 000 exemplaires, évoluent dans un contexte de développement exponentiel et concurrentiel de l'enseignement, de l'alphabétisation et partant de la diffusion de la presse, dont le lectorat est capté par le sensationnalisme inspiré du traitement des faits divers.
Solange de Fréminville s'est appuyée sur l'étude quantitative et qualitative de centaines d'articles des deux quotidiens pour éclairer cet aspect peu connu de l'histoire de l'antisémitisme républicain en terre radicale. Accusant le pouvoir républicain modéré de collusion avec "la banque juive", cette presse radicale a désigné "le Juif" comme une figure de l’étranger, espion à la solde de l’Allemagne - l'ennemi juré depuis la défaite de 1870 - et puissance financière corruptrice, menaçant la nation française et son allié russe. Cela correspond à la période de la publication de "La France juive" de Drumont, en 1888.
Mais c’est lors de l’affaire Dreyfus que les deux quotidiens radicaux ont déployé un récit, au fil des reportages, éditoriaux, chroniques…, en mesure de susciter l’aversion des lecteurs, identifiés au "nous Français", envers "le traître". La Dépêche, qui cherchait à imposer son leadership, a alors donné de l’ampleur à son discours antisémite, représentant le Juif, autant que le jésuite, comme des ennemis alliés aux modérés au pouvoir. Un double péril pour la République, en métropole et dans la colonie algérienne, selon le quotidien radical.
Cet ouvrage montre enfin que, malgré leur rhétorique, les journalistes des deux quotidiens ont dû changer de cap en raison des faits lorsque Dreyfus a été innocenté mais sans jamais s'excuser pour leur aveuglement.
Cet ouvrage, préfacé par Gérard Noiriel, est paru aux éditions PUM - Presses universitaires du Midi en mars 2024.
Solange de Fréminville, docteure en histoire, a bénéficié d'une aide à la recherche de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah pour ses recherches dans la presse populaire radicale du Sud-Ouest qui ont permis la rédaction de cet ouvrage.
La Une du supplément illustré de La Dépêche du 13 février 1998, montrant Émile Zola poursuivi en justice pour son "J’accuse", publié dans "L’Aurore".