Culture juive | Publication
Figures du jour 1930 & Mannequins 1934 - Debora Vogel
Cette parution en édition bilingue constitue un événement car il permet de découvrir en français une poétesse majeure de l'avant-garde polonaise des années 1930. Debora Vogel, disparue à 42 ans avec sa famille dans la liquidation du ghetto de Lwów (Lviv), avait appris le yiddish tardivement et décidé d'écrire dans cette langue pour faire naître une "poésie statique", un style né de l'ennui et ainsi marqué par la répétition et la monotonie.
Debora Fogel est née en 1900 à Bursztyn, une petite ville rurale de Galicie orientale (aujourd'hui en Ukraine) dans un milieu assimilé parlant polonais et acquis aux idées sionistes. Après des études de philosophie et de lettres, elle part à New-York avant de sillonner l'Europe, notamment Stockholm, Berlin et Paris, devenant ainsi une intellectuelle parfaitement polyglotte. C'est dans ces mêmes années de formation qu'elle apprend le yiddish méprisé par les siens.
Installée à Lwów (Lviv), elle enseigne la psychologie et publie ses premiers poèmes en yiddish. Elle participe activement à la vie intellectuelle et artistique, tissant des liens étroits avec les représentants de l'avant-garde littéraire polonaise et yiddish. Elle publie de nombreux articles théoriques et critiques sur l'art contemporain dans différentes revues : on lui doit notamment d'avoir conceptualisé l'art du montage et du photomontage. C'est aussi à cette époque qu'elle développe une amitié profonde avec l'écrivain, dessinateur, graphiste et critique littéraire Bruno Schulz, qui se concrétise dans une correspondance, des promenades et des échanges créatifs et littéraires féconds.
En 1941, elle est envoyée dans le ghetto de Lwów avec sa mère, son mari et son fils de 5 ans : ils sont assassinés tous pendant la liquidation du ghetto en août 1942.
C'est en 1930 et 1934 que Debora Vogel publie deux recueils de poésie en yiddish. Elle y évoque des thématiques de la vie quotidienne, des tableaux urbains, des éléments du monde animal ou végétal. À ses observations du monde qui l'entoure s'ajoutent des considérations philosophico-esthétiques. Debora Vogel revendique un style naissant de l'ennui, ce qui se traduit par des principes de répétition, de monotonie et de statisme dans ses textes.
Son second recueil est inspiré par son expérience de la grande ville, synonyme d'exaspération, à cause de l'aliénation engendrée par la modernité, l'industrialisation, la marchandisation, l'automatisation et la triste réalité de la condition féminine.
Cette parution en édition bilingue - yiddish / français - constitue un événement car il permet de découvrir en français une poétesse majeure de l'avant-garde polonaise des années 30. La traduction a été assurée par Batia Baum, décédée en juin 2023, et qui a consacré sa vie à l'enseignement, la préservation et la traduction du yiddish, une langue que la Shoah a quasiment fait disparaître.
Cet ouvrage qui vient de paraître aux éditions La Barque a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah pour la traduction et la publication.