Mémoire | Film
Le procès de Paul Touvier - Antoine de Meaux
Paul Touvier, ancien milicien de Vichy condamné à mort en 1947, échappe pendant des décennies à la justice. Mais l'enquête est relancée dans les années 1970 car il est accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour l’exécution de sept Juifs, en représailles à l’assassinat d’un propagandiste. Après le nazi Barbie et avant le haut-fonctionnaire Papon, c'est le milicien Touvier qui était jugé en 1994.
Après le procès de Klaus Barbie en 1987, la série "Crimes contre l'humanité" de France TV consacre deux épisodes à Paul Touvier, ancien milicien de Vichy à Lyon, condamné deux fois à mort en 1947 pour crimes de guerre et intelligence avec l'ennemi, qui échappe à la justice pendant des décennies grâce au soutien d'une certaine frange de l’Église et à la prescription en 1967. En 1973, il obtient la grâce présidentielle de Pompidou, mais une enquête relance les poursuites pour crimes contre l’humanité, imprescriptibles. Traqué, il est arrêté en 1989 au prieuré Saint-Joseph de Nice. Son procès s’ouvre en mars 1994 à Versailles, mettant en lumière le rôle de la Milice, bras armé de la collaboration, et de Vichy. Paul Touvier est accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour l’exécution de sept juifs en représailles à l’assassinat de Philippe Henriot, chef de la propagande du régime de Vichy assassiné par des résistants le 28 juin 1944.
Le film expose d'abord le profil de Touvier, né dans une famille catholique nationaliste, fervent adepte de l'idéologie nationaliste du Maréchal Pétain et formé à l'école des cadres de la Milice. Personnage médiocre, il fait partie de ces opportunistes sans scrupules à qui le régime de Vichy donne un statut social, même si cela consiste à légaliser des pratiques de bandit, en pratiquant extorsions, vols et rackets, pudiquement renommés "réquisitions". L'obsession quasi maladive de Touvier de réécrire sans cesse la chronologie de sa vie le trahit à l'audience, tant ses carnets personnels révèlent son antisémitisme, traitant Élisabeth Badinter "d'ordure juive", le procès de Barbie en 1987 d'"ignominie" et Auschwitz de "rengaine".
Le film relate les différentes péripéties de la procédure et montre quelques moments importants du procès, éclairés par certains de ces protagonistes ou observateurs, avocats, journalistes, et par deux historiens Laurent Joly et Heny Rousso, qui explicitent le contexte de l'époque et la portée du procès. Âgé alors de 79 ans, Touvier apparaît tel qu'il a toujours été, un personnage médiocre et lâche, qui bafouille et abrège ses réponses quand les questions le dérangent, comme son adhésion à l'idéologie de la Milice et l'importance de son rôle comme chef du 2e service de la Milice à Lyon, adoubé par Darnan.
Le cœur du procès s'attache à démontrer la responsabilité de Touvier dans la décision de rafler des Juifs pour pouvoir venger l'assassinat d'Henriot puis de les faire exécuter sommairement à côté du cimetière de Rilleux-la-Pape, laissant les corps sur place. Le témoignage décisif au procès d'un ancien résistant, Louis Goudard, détenu alors dans les locaux de la Milice, écarté par Touvier lui-même du groupe des condamnés car non Juif, scelle sa condamnation pour crimes contre l'humanité.
Le 20 avril 1994, Touvier est condamné à la réclusion à perpétuité et meurt en 1997. Ce procès ouvre une réflexion sur la responsabilité de l’État français sous l’Occupation. Des historiens (Paxton, Rémond, Bédarida) viennent témoigner au procès pour expliciter le rôle de la Milice pour Vichy et sa politique de collaboration avec le régime nazi.

Le témoin Louis Goudard au procès Touvier.
2 x 52 min / Réalisé par Antoine de Meaux / Auteurs : Gabriel Le Bomin, Valérie Ranson Enguiale, Antoine de Meaux
Production Dana Productions / Dana Hastier, une société Mediawan
Ce film a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Diffusion
Dimanche 27 avril 2025 à 21h05 sur France 5
À voir en ligne sur france.tv jusqu'au mercredi 6 août 2025