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Ils étaient juifs, résistants, communistes - Annette Wieviorka
Ils s’appelaient Victor Zigelman et Henri Krasucki, Sophie Szwarc et Yanina Sochaczewska, Jacquot Szmulewicz et Étienne Raczymow, Paulette Shlivka et Esther Rozencwajg. Le plus jeune, en 1940, avait quatorze ans, le plus âgé moins de trente. Retour sur le parcours de Juifs résistants au sein de la main-d’œuvre immigrée (MOI).
Ils s’appelaient Victor Zigelman et Henri Krasucki, Sophie Szwarc et Yanina Sochaczewska, Jacquot Szmulewicz et Étienne Raczymow, Paulette Shlivka et Esther Rozencwajg. Le plus jeune, en 1940, avait quatorze ans, le plus âgé moins de trente. Eux ou leurs parents, nés en Pologne ou en Roumanie, étaient venus en France chercher du pain et la liberté, la sécurité aussi croyaient-ils, car tous étaient juifs. Tous également étaient ou devinrent communistes, et résistants organisés au sein de la main-d’œuvre immigrée (MOI).
L’histoire de ces quelques centaines de jeunes gens, enfants de Belleville ou de la rue des Immeubles industriels à Paris, est restée largement méconnue. Pourtant, son importance est déterminante pour la communauté juive elle-même, mais aussi pour l’histoire de la Résistance et de celle, si discutée, du PCF pendant l’Occupation. L’oubli qui les a frappés est d’autant plus surprenant qu’ils payèrent leur action d’un prix démesuré. Seule une minorité en réchappa.
De quel poids pesa leur identité juive, qui faisait planer sur eux une menace permanente, par rapport à leur engagement communiste, qui subordonnait tout à la défense de l’Union soviétique ? Ce dilemme fut dramatique pour beaucoup d’entre eux, notamment pour la sulfureuse Lucienne Goldfarb, dite "la Rouquine", dont un destin extraordinaire fit après la guerre une tenancière de maison close amoureuse de l’opéra.
Ce portrait de groupe saisissant éclaire une page trouble, héroïque et polémique des années noires, qui continuent de hanter la mémoire collective.
Nouvelle édition du livre publié en 1986 chez Denoël.
Directrice émérite de recherche au CNRS, agrégée et docteure en histoire, Annette Wieviorka est participe au Conseil d'administration de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah préside sa Commission Histoire de l'antisémitisme et de la Shoah. Spécialiste mondialement reconnue de l’histoire de la Shoah et du communisme français, elle a publié Le Procès Eichmann (1989) ; Déportation et génocide, entre la mémoire et l’oubli (1992); L’Ère du témoin (1998) ; Auschwitz expliqué à ma fille (1999) ; Maurice et Jeannette, biographie du couple Thorez (2010) ; À l’intérieur du camp de Drancy, avec Michel Laffitte (2012).
Annette Wieviorka. Photo : Bruno Klein