Mémoire | Publication
Sonderkommando. Birkenau 1944 - Thessalonique 1947. Résurgence - Marcel Nadjary
Ce témoignage inestimable de la mise en œuvre du génocide des Juifs a été écrit par Marcel Nadjary, Juif de Thessalonique, déporté à Auschwitz-Birkenau et affecté aux Sonderkommando pendant 8 mois. Il écrivit ce texte sur place et l'enterra sans jamais en parler. Son manuscrit fut retrouvé en 1980, 9 ans après son décès. Il est suivi d'un autre texte de Nadjary datant de 1947.
“Si l’un de nous parvenait à sortir vivant de là, il pourrait témoigner…”
Marcel Nadjary (1917-1971), Juif grec originaire de Thessalonique, est déporté à Auschwitz au printemps 1944 et affecté au Sonderkommando. Sachant le sort promis aux déportés chargés de la funeste tâche d'accompagner les déportés aux chambres à gaz, puis de vider celles-ci des corps et de les transporter dans les fours crématoires, il écrit une lettre d'adieu à des amis chers et leur décrit la besogne effroyable qu’il effectue sous la contrainte. Puis, il enfouit son manuscrit clandestin dans le sol de Birkenau. Ce document sera retrouvé trente-six ans plus tard, le 24 octobre 1980, 9 ans après sa mort, et sans qu'il ait jamais parlé de ce texte.
Ce témoignage, écrit à "l’épicentre de la catastrophe", est pour la première fois traduit et publié en français, ainsi qu’un second manuscrit, que Marcel Nadjary rédigea en 1947 pour garder une trace de son expérience au cœur de l’enfer de Birkenau.
À l'origine difficilement lisible, le manuscrit a bénéficié de technologie moderne (imagerie multispectrale) qui a permis un déchiffrement de la quasi-totalité du texte. Au vu du caractère exceptionnel de ce document, les éditeurs ont fait le choix d'en proposer la reproduction intégrale, avec sa transcription en vis-à-vis, en respectant l'orthographe utilisée par Nadjary même quand elle était erronée. Il en est de même pour le second manuscrit écrit en 1947 et resté inachevé, dans lequel Nadjary raconte son expérience de résistant et de déporté.
Les horreurs qu'ont vues mes yeux sont indescriptibles. Mes yeux ont vu passer environ 600 000 Juifs de Hongrie. Des Français, des Polonais de Litzmannstadt 80 000 environ et dernièrement ils recommencent et environ 10 000 Juifs de Theresienstadt de Tchécoslovaquie sont arrivés. (...)
J'ai voulu et je veux vivre pour venger la mort de Papa, de Maman et de ma sœur chérie Nelly. Je ne crains pas la mort comment pourrais-je avoir peur d'elle après tout ce que mes yeux ont vu ? (...)
Mon seul désir est que vos mains reçoivent ce que je vous écris. (...)
Ca fait quatre ans environ qu'ils tuent les Juifs ici. Ils ont tué des Polonais, des Tchèques, des Français, des Hongrois, des Slovaques, des Hollandais, des Belges, des Russes et toute Thessalonique. Sauf environ 300 d'Athènes, Arta, Corfou, Kos et Rhodes qui vivent jusqu'à aujourd'hui. En tout environ 1 400 000. Bilan général mes amis.
Birkenau le 3/11/44
Reproduction et transcription d'un extrait du premier manuscrit de Marcel Nadjary.
Les textes de Marcel Nadjary sont traduits du grec par Loïc Marcou.
Ils sont accompagnés par des textes des enfants Nadjary, ainsi que des éclairages historiques et des articles de contextualisation de Georges Didi-Huberman, philosophe et historien de l'art, de Tal Bruttmann, spécialiste de la Shoah française, de l’historien allemand Andréas Kilian et de Frangiski Ambatzopoulou, professeure de Littérature à l’université de Thessalonique.
Préface de Serge Klarsfled.
Cet ouvrage paru en juin 2023 est une co-édition Artulis et Signes et balises. Il a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Rencontre autour du livre
Dimanche 22 octobre 2023, à partir de 10h
Mémorial de la Shoah
17 rue Geoffroy L'Asnier
75004 Paris
- Lecture des textes de Marcel Nadjary par Emmanuel Salinger
- Rencontre animée par Henriette Asséo, historienne, professeure, Centre de recherches historiques UMR EHESS-CNRS : avec Nelly Nadjary, fille de Marcel Nadjary, Fragiski Ampatzopoulou, historienne, professeure émérite à l’université Aristote de Thessalonique, et Andreas Kilian, historien
- Table-ronde "Résurgence d'un rouleau d'Auschwitz : lire, traduire, transmettre" animée par Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherche honoraire au CNRS : avec Georges Didi-Huberman, philosophe, historien de l’art EHESS, Tal Bruttmann, historien, et Loïc Marcou, traducteur EHESS.