Mémoire | Film

Le procès de Maurice Papon - Gabriel Le Bomin

Deuxième personnage du triptyque de la série documentaire des "Crimes contre l'humanité", Maurice Papon est l’incarnation du haut fonctionnaire durant la période de l’Occupation. À partir du 1er juin 1942, nommé secrétaire général de la préfecture de Gironde, il est en charge notamment des affaires juives. De 1942 à 1944, 1690 Juifs seront déportés à partir de Bordeaux vers Drancy puis vers les lieux de mise à mort nazis. Ce procès historique qui se tient à partir d'octobre 1997, plus de 50 ans après les faits, permet de montrer l'horreur du "crime de papier" commis par l'administration française du gouvernement de Vichy. 

Diffusion : mercredi 16 avril 2025, 21h10 sur France 3 et sur france.tv

À la fin de la guerre, Maurice Papon qui a su ménager la Résistance, n'est pas inquiété et poursuit sa carrière dans l’administration en tant que directeur de cabinet de différents ministres sous la IVᵉ République. Nommé préfet en Algérie durant la guerre d’indépendance puis, en 1958, préfet de police de Paris où il fera réprimer violemment plusieurs manifestations. S’ouvre ensuite pour lui une carrière d’homme politique : maire, député et enfin ministre du budget sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing.

Entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1981, le Canard enchaîné publie un article qui fera du bruit intitulé "Papon aide de camps". Quelques mois plus tard, le 8 décembre 1981, une plainte est déposée contre lui pour crimes contre l’humanité. Pourtant, il faudra seize années d'une bataille juridique acharnée, menée notamment par Serge Klarsfeld et son fils Arno, et la reconnaissance officielle par le chef de l'État nouvellement élu Jacques Chirac de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs pour que débute, le 8 octobre 1997, le procès de Maurice Papon. 

Entièrement filmé comme celui de Barbie et celui de Touvier, le procès, suivi par les médias nationaux et internationaux, dure 6 mois. Au-delà de ses nombreux rebondissements, des temps forts que constitue le défilé des témoins, des survivants de familles décimées par la Shoah rappelant concrètement que les notes signées d'un fonctionnaire "dans sa tour d'ivoire" avaient conduit à la mort des familles entières, ce qui frappe dans ce procès, c'est la personnalité de l'accusé. Malgré ses 87 ans, droit comme un i, tiré à quatre épingles, impassible, hautain, Papon est habile à se défausser aussi bien sur son supérieur hiérarchique le préfet de région Maurice Sabatier, mort en 1989, et son subordonné Pierre Garat chef du bureau des affaires juives. Il n'exprime aucun remord, aucun regret. Sa véritable passion n'est ni l'antisémitisme, ni l'idéologie, mais l'ambition. Nommé à ce poste élevé à 32 ans, il compte bien en faire un accélérateur de carrière en servant parfaitement les maîtres en place, Vichy et les Allemands. Ainsi, il leur fournit avec zèle les listes de Juifs de la région comme le rappellent ses anciennes secrétaires venues à la barre. Quand sa signature en bas d'une note ou d'un ordre le confond, il tente de montrer qu'il a tenté de préserver les enfants, ce qui sera démenti peu après, preuves et témoignages à l'appui.

Malgré les preuves matérielles de ses responsabilités, l'acquittement semble à porter de plaidoirie après le défilé des figures incontestables de la Résistance venu témoigner que Papon leur aurait fourni des informations. D'autant que le décès de sa femme suspend le procès plusieurs jours et humanise le personnage. 

Coup de théâtre aussi quand Arno Klarsfeld plaide pour une peine "raisonnable" de 10 ans de réclusion et non pour la perpétuité comme dans les procès Barbie et Touvier, car eux s'étaient sciemment engagés dans une entreprise criminelle.  

L’un des enjeux centraux du procès est de savoir si l’administration française avait connaissance de l’existence de camps de la mort en Allemagne. L'avocat général requiert 20 ans de prison. Au bout de 19 heures de délibéré et une nuit blanche, le verdict tombe : 10 ans de réclusion criminelle. Une décision prise à une voix près. Un verdict en demi-teinte qui révèle les fractures encore palpables de la société française face à la responsabilité des fonctionnaires de Vichy.

Maurice Papon décède 10 ans plus tard après avoir passé 3 ans en prison. 

Le procès de Maurice Papon - Gabriel Le Bomin

Maurice Papon, portant le deuil de son épouse morte pendant le procès, s'exprime après les fin des plaidoiries.

Les historiens Serge Klarsfeld, Laurent Joly et Marc-Olivier Baruch interviennent dans le documentaire ainsi que différents protagonistes du procès : entre autres, Maîtres Klarfeld et Jacubowicz, avocats des parties civiles et Me Vuillemin, avocat de la défense, mais aussi le dessinateur Riss.

3 x 52mn - Partie 1 Le Haut fonctionnaire / Partie 2 Le crime de papier / Partie 3 La sentence

Ce documentaire a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. 

 

Diffusion 

Mercredi 16 avril 2025, 21h10, sur France 3 et france.tv

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