Mémoire | Film
Vladimir Jankélévitch, penser la vie - Fabrice Gardel et Mathieu Weschler
Philosophe profondément humaniste, Vladimir Jankélévitch (1903-1985), est une figure aussi singulière qu’incontournable du XXe siècle, qu’il a traversé "joyeux et inconsolable". Cette formule résume le paradoxe existentiel qui a traversé toute sa pensée et toute sa vie : la tension entre une lucidité face à la tragédie du monde, et en particulier celle du XXe siècle, des totalitarismes et de la Shoah et l’élan vital qui invite à aimer et à vivre malgré tout.
Réalisé à l’occasion du 40ᵉ anniversaire de sa mort, ce premier film sur Vladimir Jankélévitch donne accès à des archives inédites grâce à la collaboration avec Françoise Schwab, spécialiste de son œuvre et amie du philosophe et Sophie Jankélévitch, la fille unique du philosophe, elle-même professeur de philosophie. Dans l’appartement de cette dernière, les réalisateurs ont découvert des lettres, des photos et des articles de journaux inédits. Parmi les lettres figure notamment la correspondance avec Wiard Raveling, professeur de français en Allemagne qui était entré en contact avec le philosophe français après l'avoir entendu affirmer qu'il n'avait, depuis la fin de la guerre, jamais reçu le moindre message d'un confrère allemand pour s'excuser auprès de lui de ce que les nazis avaient fait subir aux Juifs. Wiard Raveling, aujourd'hui âgé de 85 ans, a accepté d’être interviewé dans ce film.
Pour un jeune public qui ne l'aura pas découvert à l'occasion de son mémorable passage à Apostrophes en 1980, ce documentaire met au jour la figure lumineuse du philosophe Vladimir Jankélévitch, l’originalité de sa pensée dans le paysage intellectuel du XXᵉ siècle, la force de ses engagements : depuis la résistance jusqu'à mai 1968 en passant par l'indépendance de l'Algérie. Les témoignages de ses étudiantes, issus d'archives de l'INA, pleins de piquant, font revivre l'humour, le charme et les dons intellectuels de celui qui fut avant-guerre un des plus brillants et prometteurs normaliens de sa génération, avant que la guerre, l'occupation nazie et les lois anti-juives ne l'excluent de la fonction publique et le rejette dans la précarité et la clandestinité à Toulouse où il s'est réfugié avec sa famille, des Juifs russes assimilés.
Même si Jankélévitch et les siens ont survécu à la guerre, rien ne sera plus jamais comme avant pour lui après cette expérience infiniment douloureuse. En apparence pourtant, la vie reprend son cours. Il retrouve son appartement parisien de l'île Saint-Louis, est réintégré dans l'éducation nationale, avant d'être nommé professeur à la Sorbonne au début des années 1950 où il enseignera jusqu'à sa retraite avec un succès inégalé auprès des étudiants. Son piano, spolié pendant la guerre, lui est restitué - Jankélévitch est un interprète de haut niveau et un passionné de musique sur laquelle il écrira plusieurs ouvrages. Mais la blessure est toujours là, intacte et il refuse désormais catégoriquement tout ce qui vient d'Allemagne : la langue, la philosophie...
Le 3 janvier 1965, 20 ans après la fin de la guerre - 20 ans, c’est le délai le plus long pour la prescription des crimes à l’époque, même pour les crimes contre l’humanité tels qu’ils ont été qualifiés par les juristes américains au tribunal de Nuremberg - Vladimir Jankélévitch fait paraître dans le journal Le Monde, un article intitulé L’Imprescriptible. Selon le philosophe Frédéric Worms, " il n’est pas exagéré de dire, c’est du moins à la fois notre hypothèse et notre sentiment, historiques l’un et l’autre, que cet article a tout changé. Il a fait basculer l’histoire et inscrit l’imprescriptible dans le droit" ( Jankékévitch cahier de l’Herne 2022 p. 277). Il soulève alors une question brûlante : qu’est-ce que le pardon ?

52' / produit par Anne Genévaux / Coproduit par l'INA et LCP/Assemblée nationale
Avec la participation des philosophes Cynthia Fleury et Sophie Nordmann ; de l'historien Pascal Ory et des musiciens Karol Beffa et André Manoukian.
L'œuvre de Jankélévitch, très diverse, est disponible en livres de poche.
Ce documentaire a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Avant-première
lundi 26 mai 2025, 20h
Cinéma Le Saint-André des Arts, 20h
Diffusion
Lundi 2 juin, 20h30, sur LCP dans DébatDoc
En replay sur LCP.fr et la chaîne YouTube de LCP
►Dossier de presse (PDF)

Vladimir Jankélévitch sur le plateau d'Apostrophes, en 1980