Mémoire | Film

Les grands procès de l'Histoire : Klaus Barbie - Gabriel Le Bomin

Le procès du nazi Klaus Barbie à Lyon en 1987, c'est un évènement à la fois historique, juridique, médiatique et sociologique. Le premier procès pour crimes contre l'humanité en France se transforme en un moment cathartique pour la société française et marque une étape majeure dans la construction et la consolidation de la mémoire de la Shoah.

À voir en 2025

Cette série raconte en trois films le premier procès pour crime contre l'humanité tenu à Lyon en 1987 contre un officier nazi, Klaus Barbie, chef de la Gestapo dans cette ville entre 1942 et 1944. Pour la première fois aussi, un procès pour ce chef d'accusation est intégralement filmé, grâce à une loi voulue par le garde des Sceaux de l'époque, Robert Badinter. 

Avant de plonger dans la matière même du procès, le documentaire en rappelle le contexte et le caractère exceptionnel. La France des années 1980 va voir émerger, notamment grâce au procès, une "mémoire de la Shoah" distincte de la "mémoire collective des victimes de la barbarie nazie". C'est une réponse à l'offensive négationniste de la fin des années 1970, nombreux étant les rescapés des camps qui se mettent à témoigner de leur expérience concentrationnaire quand ils entendent que ce qu'ils ont souffert et vécu dans les camps n'aurait pas existé. 

Le procès a été rendu possible grâce à l'acharnement de Serge et Beate Klarsfeld pour retrouver Barbie en Bolivie, le démasquer et permettre qu'il soit arrêté et extradé. Celui-ci échappait à la justice française depuis 40 ans, même si deux procès en 1952 et en 1954 l’avaient condamné par coutumace pour crime de guerre. Son extradition vers la France par la justice bolivienne est rendue possible grâce au juge d’instruction de Lyon, Christian Riss, qui fait évoluer l’acte d’accusation en "crime contre l’humanité", imprescriptible depuis 1964. 

Des 37 audiences filmées, du 11 mai au 4 juillet 1987, les trois épisodes de cette série en retiennent les moments les plus forts, accentuant la dramaturgie d'un procès exceptionnel : la confrontation entre les victimes et l'accusé, la lâcheté de celui-ci qui refuse de se présenter à l'audience au bout de trois jours et surtout la libération de la parole des parties civiles : les parents des enfants d'Izieu, les anciens résistants torturés par le "boucher de Lyon", les témoins visuels des événements pour lesquels Barbie fut jugé (la rafle des 44 enfants d'Izieu, la rafle de la rue Sainte-Catherine et le départ du convoi du 11 août 1944, le dernier convoi de 650 déportés juifs et résistants vers Auschwitz-Birkenau). 

À chacune de ces audiences, la parole des témoins vient dessiner le portrait d’un tortionnaire froid, méthodique et sadique, animé par la seule idéologie nazie. Chaque témoignage est un moment de vérité, d’émotion pure, de rage contenue et de colère digne qui contrastent avec l’imperturbable visage de l’accusé. 

Ces archives brutes du procès sont commentées, à près de 40 ans de distance, par certains protagonistes comme les avocats Serge Klarsfeld, Alain Jakubowicz, Gisèle Alalof ou Sylvia Zimmermann, le vice-procureur Jean-Olivier Viout, les journalistes Sorj Chalandon et Claude Sérillon... et par des historiens comme Laurent Joly et Henry Rousso qui en éclairent la portée. 

Cette série révèle avec une efficacité inédite à quel point, dans certaines circonstances exceptionnelles, en l'occurrence le crime contre l'humanité, le temps n'efface rien : à l'émotion et à la douleur des victimes de Barbie, restées intactes quand ils témoignent 40 ans après les faits, répond celle des acteurs ou témoins du procès, tout aussi intacte près de 40 ans après cet événement judiciaire inédit, un tournant dans l'histoire française, qui rendait possible d'autres procès pour crimes contre l'humanité.  

Barbie arrivant à son procès en mai

France, documentaire, 3x52 min, Dana Productions/Mediawan, Ina, France Télévisions, 2025.

Cette série a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.